
Crimes Maritimes en Afrique de l’Ouest : traquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN)
Le secteur de la pêche joue un rôle important dans la vie des populations et représente un enjeu économique majeur pour les pays de la côte ouest-africaine. Malgré l’importance des ressources naturelles halieutiques dont bénéficient ces pays, le secteur de la pêche ne contribue pas suffisamment à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté dans la région, contrairement à ce qu’il devrait être s’il était géré correctement. Une situation liée, en grande partie, à la surexploitation et à la réduction subséquente des ressources, mais surtout aux actions de pêche autorisées comme celles non autorisées, en raison de la faible capacité des pays à gérer leurs ressources halieutiques de manière durable et à prévenir la surpêche.
Depuis les années 1970, les pays riches ont déplacé de grandes flottes de pêche vers les eaux d’Afrique très poissonneuses, selon Frédéric Le Manach, directeur scientifique de Bloom Association. L’Europe, le Japon, la Chine ou la Russie ont ainsi obtenu le droit d’exploiter les ressources de pays africains comme le Sénégal. Les bénéfices générés par les ressources profitent principalement aux flottes étrangères, qui ne fournissent cependant qu’une infime partie de leurs bénéfices aux économies locales. La plupart des poissons capturés dans les eaux africaines sont déchargés dans des ports étrangers, qui bénéficient de la valeur ajoutée et de la création d’emplois.
Le 29 juin 2022 à Lisbonne, au cours d’un dialogue interactif sur le thème « Rendre les pêches durables et garantir aux petits pêcheurs l’accès aux ressources marines et aux marchés » le Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Qu Dongyu, déclarait : « Nos océans, nos cours d’eau et nos lacs peuvent être une source d’alimentation pour les habitants de la planète, mais seulement si nous exploitons leurs précieuses ressources de façon responsable, durable et équitable ».
Cette déclaration du patron de l’organisation onusienne montre que la surexploitation des ressources halieutiques, la pratique de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) est réelle et très préoccupante pour l’avenir. Surtout en ce qui concerne les pays côtiers au nord du golfe de Guinée. Le respect des textes, pour la bonne gestion des réserves halieutiques, est donc impératif à l’équilibre, voire à la survie des économies des pays de la côte ouest-africaine, et même au-delà.
Au regard de la situation et face aux menaces que représente la pratique de la pêche INN, CENOZO, avec le soutien de son partenaire Open Society Initiative for West Africa (OSIWA), a lancé en mars 2021 le projet “Marine Crimes in West Africa” pour permettre aux journalistes du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, de la Guinée, de la Guinée-Bissau, du Liberia, du Sénégal, de la Sierra Leone du Togo de se former sur les enjeux de la pêche INN afin de pouvoir enquêter sur la question. À l’issue d’une formation tenue à Abidjan en Côte d’Ivoire, les journalistes ont enquêté dans leurs pays et au-delà, sur diverses problématiques liées à la pêche INN, aux infrastructures de pêches, aux réglementations, etc.
À partir du 13 juillet 2022, nous vous proposerons une série d’enquêtes réalisées dans le cadre de ce projet.
Arnaud Ouédraogo, Coordonnateur de la CENOZO