
Enquête sur l’échec de la Grande muraille verte au Sahel
Lutte contre le changement climatique au Sahel : enquête sur l’échec de la Grande muraille verte
L’air chaud et sec claque sur les visages. Depuis deux heures, à partir de Dahra, commune située à 253 km au nord Dakar, le véhicule, en toute vitesse, se bat délicatement contre les dunes de sable dans une chaleur à couper le souffle. Dans cette partie de la région de Louga, département de Linguère, il fait 41 degrés à l’ombre, ce vendredi 11 avril 2025. Il est 12h et le soleil, aux rayons corrosifs, martyrise les corps qui dégoulinent de sueur. A notre passage, les renards du désert se roulent en boule alors que bœufs, moutons et chèvres détalent sans doute effrayés par les vrombissements de la voiture.
C’est dans cet endroit du Sahel où la bande désertique malmène la végétation qu’en 2007 l’Initiative de la Grande muraille verte a été mise sur pied. Elle visait à planter une bande d’arbres de 15 km de large de Dakar à Djibouti pour faire face à l’avancée du désert. Le projet fut porté par les Présidents du Sénégal Abdoulaye Wade et du Nigeria Olusegun Obasanjo avec le soutien de l’Union africaine afin de lutter contre la désertification et les effets du changement climatique dans 11 pays : Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Nigeria, Tchad, Soudan, Ethiopie, Erythrée et Djibouti.
Près de 20 ans après, Le Soleil en collaboration avec la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO), est retourné à Widou Thiengoly, commune de Tessékéré, le cœur de la Grande muraille verte. Dans ce village où la pauvreté est visible de partout. Perdu au bout d’une piste sablonneuse, Widou semble figé dans le temps. Quelques cases en banco aux toits de chaume bordent un chemin poussiéreux où traînent des enfants aux pieds nus.
Quelques arbres d’espèces locales tiennent encore debout : l’acacia Sénégal, le dattier du désert, le jujubier et le morenga oleifera. Ils ont été plantés pour restaurer la biodiversité en vue de freiner l’avancée du désert. Mais ils tombent par centaine chaque année, selon les témoignages sur place. « Nous n’avons pas beaucoup reboisé ces dernières années, comme ce fut le cas lors du démarrage du projet. Nous avons pu reboiser mais dans des proportions très minimes », regrette Sergent-chef Amadou Badji, agent technique des eaux et forêts, responsable de la base de Widou Thiengoly, l’un des sites sur la tracé de GMV.
Sur cet immense espace désertique, quelques arbres tiennent encore debout. Dans cette zone pastorale qui concentre plus de la moitiée du cheptel national, la bande salée dicte peu à peu sa loi à la nature et freine la végétation. « Il y a un ralentissement pour ce qui concerne les investissements. La reforestation connaissait une grosse affluence. Des étudiants, des chercheurs et même des étrangers venaient pour participer aux activités de reboisement parce qu’il y avait de grandes parcelles. Donc, il y avait de la main d’œuvre pour la plantation de ces parcelles. Maintenant qu’on n’a plus ces grandes parcelles, ça se sent au niveau de la population », déplore M. Badji.
« Depuis 2022, on n’a plus d’actions de reboisement d’envergure », embraye Pape Diop, agent à la Grande muraille verte.
Mais pour Aliou Bocar Wellé, chauffeur à la Grande muraille verte depuis 2008, il y a un problème de suivi. « Après le reboisement, il faut regarnir comme la saison des pluies est très courte. Il faut regarnir deux mois pour permettre à la plante de pouvoir germer. Malheureusement les gens reboisent et s’en vont ».
En matière de couverture arboricole, un rapport publié en 2021 de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao) fait état de 1,2 milliard d’arbres dans la zone de la Grande muraille verte-Sahel. D’après le document, la répartition moyenne par hectare est très faible, environ 5 arbres/ha. La même source précise que le Sénégal a la densité la plus élevée avec 15 arbres/ha, tandis que le Tchad a moins de 2 arbres/ha. Malgré la production et les plantations massives dont fait état les rapports annuels des agences nationales, la FAO note que « le taux de mortalité est assez varié et quelquefois élevé selon les espèces et les zones, allant jusqu’à entre 70 et 80%, entraînant une faible progression de la couverture végétale de cette zone sahélo-saharienne ».

Vue partielle du zone de la GMV dans la commune de Tessékéré au Sénégal
Dans les concessions en paille recouvertes pour la plupart en fils de fer, faute de murs de clôture, l’on commence à ressentir les effets de l’avancée vertigineuse de la bande salée. Les palmiers, la vue vers les châteaux d’eau est obstruée par le brouillard de sable. Secrétaire général de la Fédération des groupements féminins de Widou, Oumar Ka lie cette situation aux changements climatiques.
« Le nombre d’arbres a diminué drastiquement. Certaines espèces ne sont plus visibles dans ce terroir. On a remarqué que chaque année, la température augmente de plus en plus. Il pleut de moins en moins. Autrefois, on pouvait noter 2 à 3 mois de pluie. Maintenant, on ne peut plus avoir un mois de pluie », regrette Oumar Ka dit Hubert, secrétaire général de la Fédération des groupements féminins de Widou Thiengoly qui regroupe 430 membres.
L’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim) du Sénégal confirme ces faits. Selon le prévisionniste Diabel Ndiaye, cette partie du territoire reçoit moins de 300 millimètres de pluie par an. Une donne qui accélère la chaleur. Au grand dam des populations de Widou Thiengoly, enfoui dans le département de Linguère à 400 km de Dakar.
Les fonds du problème ? Des décisions politiques
Dans la cour de la Base de Widou Thiengoly, le décor donne déjà le ton : un cimetière de véhicules en panne, camions citernes victimes de l’usure, outils agricoles frappés par la vieillesse et inutilisables… Ici, l’activité tourne au ralenti et les quelques agents visibles se tournent les pouces. Comment l’argent de l’Initiative de la Grande muraille verte a été utilisé ? Il faut savoir que le Sénégal, au fil des années a investi en fonds propres plus que le double des investissements internes de la Mauritanie, du Niger et du Nigeria pris singulièrement, d’après le rapport de 2020 sur l’état de mise en œuvre de la Grande muraille verte réalisé par la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification. De plus, il souligne que les pays comme le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Mali et le Tchad n’ont alloué que de faibles investissements à leur composante nationale.

Données extraites du rapport d’état de mise en œuvre de la GMV (CNULCD, 2020)
Un rapport de Transparency international réalisé en juin 2023 sur la Grande muraille verte montre que peu de données sont disponibles sur la manière dont les fonds ont été utilisés. « Beaucoup d’argent ont été récoltés au nom de la Grande muraille verte, mais peu sont allés au projet », déplore Oumar Abdoulaye Diallo, directeur général de l’Agence sénégalaise de la reforestation et de la Grande muraille verte (Asergmv) de mars 2022 à avril 2024. La figure ci-dessus montre que le Sénégal, au fil des années a investi en fonds propres (18.300.000 dollars, soit plus de 10,6 milliards de FCfa) plus que le double des investissements internes de la Mauritanie, du Niger et du Nigeria pris singulièrement.
Les pays comme le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Mali et le Tchad n’ont alloué que de faibles investissements à leur composante nationale. Pour connaître l’état de la gouvernance de l’initiative, l’Agence panafricaine de la grande muraille verte (Apgmv) a réalisé un audit dans les agences nationales en 2024. On a pu obtenir les six rapports de cet audit, jamais publiés jusqu’ici. « L’audit a révélé un certain nombre d’insuffisances qui plombent le développement de l’initiative de la Grande muraille verte », admet Sékouna Diatta, actuel directeur de l’Asergmv.
En effet, le document montre qu’au Sénégal, les dépenses de fonctionnement de l’agence dominent largement les ressources destinées à l’investissement. Ainsi, pour l’année 2024, sur un budget de 14 milliards 495 millions 816 mille 226 FCfa, le montant consacré à l’investissement est de 4 milliards 5 millions 393 mille 826 FCfa contre 10 milliards 490 millions 422 mille 400 FCfa pour le fonctionnement. Pour expliquer la hausse des dépenses en personnel, il faut remonter à 2021.
Après des manifestations sanglantes consécutives (14 morts) à l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko en mars 2021 (il est l’actuel Premier ministre), le Président de la République de l’époque, Macky Sall, a réagi pour calmer la colère d’une partie de la jeunesse. Ainsi, il a créé le programme « Xeyu ndan ni » (du travail pour les jeunes, en wolof). « 7000 jeunes ont été recrutés pour le compte de l’Agence de la Grande muraille verte », rappelle Oumar Abdoulmaye Ba. Une option que l’audit n’a pas validée.

Echec du projet de la Gmv
« La masse salariale occupe une partie importante des dépenses de fonctionnement. Ceci est dû aux salaires de 7 000 jeunes recrutés par l’Etat dans le cadre d’un programme spécial dénommé « Xeyu ndaw ni », note l’audit. Le rapport souligne aussi que le dispositif de suivi évaluation n’est pas mis en place. « A ce jour, la personne qui devrait occuper ce poste est partie et n’est pas remplacée. En outre, des outils de suivi/évaluation n’ont pas été élaborés pour être validés », révèle-t-on.
De plus, indique l’évaluation, « le management n’est pas encore fondé sur les résultats, il n’y a pas d’évaluation des services et des agents » au sein de l’Asergmv. Dans les 11 pays de la Grande muraille, les rapports révèlent que le Sénégal et le Nigeria ont les effectifs les plus importants en ressources humaines. Cependant, nuancent les auditeurs, peu de personnels ont les compétences techniques pour impacter positivement le projet. Par exemple, au Nigeria, le rapport d’audit relève “un hiatus, entre le top management, constitué de personnel qualifié et expérimenté, en général, et la grande majorité des agents qui ont peu d’expérience”.
Au Sénégal, Au total, l’Asergmv dispose de 103 agents dans l’administration. “Seulement l’agence manque de cadres techniques de haut niveau pour satisfaire la totalité des préoccupations exprimées annuellement pour la réalisation des différentes activités, notamment techniques”, relève l’audit. « J’ai trouvé un recrutement basé sur la politique politicienne », s’insurge Ali Haidar, Dg de l’Asergmv de 2019 à 2022. Au Sénégal, il est également mentionné une prédominance de personnel administratif au détriment des aspects techniques.
En guise d’illustrations, l’organigramme officiel de l’agence, contenu dans le manuel de procédures, présente quelques insuffisances. « Les différentes directions et divisions de l’agence ne sont pas toutes pourvues. Les postes de direction des écovillages, de suivi évaluation, et certaines divisions techniques ne sont pas encore occupées. Pour certains postes, le responsable est parti et n’a pas été remplacé, pour d’autres, le poste est resté vacant depuis la mise en place de l’organigramme », signale l’audit. « Ceci déséquilibre l’organisation globale et se répercute sur les activités techniques qui ne peuvent être prises en charge de manière satisfaisante, notamment en ce qui concerne le suivi sur le terrain », relèvent les rapports.
Il est aussi constaté que l’Asergmv ne dispose pas encore de contrat de performance. Autrement dit, l’agence n’a pas satisfait à l’exigence de la reddition des comptes, au sein du secteur public, instaurée par le décret 2010-1812 en date du 31 décembre 2010 relatif au contrat de performance applicable aux agences d’exécution. Nous avons contacté la Cour des Comptes du Sénégal qui a informé qu’elle a démarré l’audit de la structure en avril 2025 pour l’exercice 2019-2024.
Si ses ressources financières proviennent principalement de l’Etat du Sénégal, l’Asergmv a aussi bénéficié de sommes financières venant des bailleurs de fonds. En effet, les rencontres internationales du « One Planet Summit » (Ops) se sont soldées par 48 initiatives et coalitions impliquant 140 pays. En réponse à un appel lancé en septembre 2020 par les ministres de l’Environnement de la Grande muraille verte, la communauté internationale s’est réunie lors du « One Planet Summit » sur la biodiversité à Paris en janvier 2021. Ce sommet a abouti à l’annonce de 19 milliards de dollars pour accélérer l’Agenda 2025 de l’Initiative et à la création de l’Accélérateur de la Grande muraille verte.
Malgré ces engagements de la communauté internationale pour la relance de la Grande muraille verte, un rapport de 2022 de la Convention des nations unies sur la lutte contre la désertification indique un taux de déboursement de 13%.

Répartition des montants (en millions USD) négociés par pays/OPS / Source : Données publiées par CNULCD (2021)
Il est à noter que la plupart des fonds en question sont souvent gérés par des organisations de la société civile étrangère ou injectés via le secteur privé sans aucune implication des institutions nationales de la Grande muraille verte. Une donne qui complique la transparence et la mise en œuvre des projets. Par exemple, au Sénégal, des projets comme Djigui Niokolo (exécuté à Kédougou et à Kolda au Sud du pays) et Univers-Sel (mise en œuvre dans le Sine-Saloum), bien qu’étiquetés « GMV », sont éloignés de la zone d’intervention de l’Initiative. Ces deux projets représentent une contribution de 1,9 million d’euros, soit 1,2 milliard de FCfa destinés à la Gmv.
De même, au Burkina Faso, le projet Pigo+ de 20 millions d’euros est mis en œuvre dans les régions Sud-Ouest, des Cascades, des Hauts-Bassins et de l’Est, en grande partie hors du tracé prévu et sans l’implication des autorités nationales de la GMV, pour ne citer que ceux-là. « Ces pratiques dépouillent la Grande Muraille verte de ses financements promis par les grandes puissances et des acquis de ses projets financés sans perdre la responsabilité et les préjudices moraux liés aux quelconques résultats négatifs et aux potentiels manquements qui adviendront de l’utilisation de ces fonds. Ce qui pourrait constituer une nuisance à la crédibilité de l’Initiative, qui pourrait être perçue comme une initiative qui engouffre des montants faramineux alors qu’elle n’en reçoit et n’en contrôle que très peu », dénonce Oumar Abdoulaye Ba.
Transhumance en masse des éleveurs
Perdu dans les fins du Sénégal, à près 400 km de Dakar, la commune de Téssékéré ressemble à un no mans land. Chaque année, à l’approche de la saison sèche, les vastes étendues arides de Widou Thiengoly, dans la région de Louga, deviennent le théâtre d’un mouvement séculaire : la transhumance. Des centaines d’éleveurs, accompagnés de leurs troupeaux de bovins, caprins et ovins, entament un long périple à la recherche de pâturages plus verts et de points d’eau. Ici, l’échec de la grande muraille verte a accentué le dérèglement climatique.

Transhumance de bétails
« Le changement du climat fait que nous ne pouvons plus avoir un mois de pluie. Donc si l’herbe est introuvable, on fait recours à la transhumance pour nos moutons. L’année dernière on est allés jusqu’au Fouta. On a fait 6 mois là-bas avant de revenir lors de la saison des pluies. Nous sommes des éleveurs. A Widou, on ne peut y rester pendant toute la saison sèche », explique Fatoumata Sow depuis sa charrette.
Dans le silence des premières lueurs du jour, les troupeaux s’ébranlent, guidés par des bergers aguerris. À Widou, la transhumance n’est pas qu’un déplacement saisonnier, c’est une tradition ancrée, transmise de génération en génération. Ménagère dans le projet de la Grande muraille verte, Fatou Ngoura Ndiaye n’en demeure pas moins éleveuse. « J’ai payé 30 000 FCfa à des éleveurs pour qu’ils nourrissent mon cheptel de moutons ailleurs. Ils feront 3 mois là-bas », a-t-elle décliné.
Le changement climatique bouleverse les équilibres traditionnels. Les pluies, de plus en plus rares et mal réparties, transforment les pâturages en zones stériles dès le mois de novembre. Les éleveurs doivent donc parcourir parfois des centaines de kilomètres vers le sud, dans le Ferlo ou jusqu’aux zones forestières du Saloum. « On ne peut pas avoir 100 à 300 bêtes et rester les bras croisés. La transhumance nous permet de les nourrir », insiste Amadou Ka, éleveur. Cependant, le périple est semé d’embûches : manque de points d’eau, vols de bétail, maladies animales, et parfois conflits avec les agriculteurs.
Aujourd’hui, ces déplacements de masse ont des répercussions socio-économiques. Widou est devenu presque un village fantôme qui cherche occupants. « La plupart des boutiquiers sont partis pour suivre les transhumants. Ils ont amené avec eux des élèves qui vont voir leur éducation scolaire perturbée », souligne Amadou Badji, chef de la base de Widou. Une autre pratique usée par les éleveurs, c’est celle de détruire les champs du projet de la Grande muraille verte pour nourrir le bétail.

Sergent Amadou Badji, chef de la base de Widou
« Ils détruisent les grillages de clôture pour entrer dans les champs. Ce problème fait partie des difficultés que traverse le projet de la Grande muraille verte. Comme il n’y a pas suffisamment de surveillants, des hectares de plantations sont perdues à cause à de ces pratiques », déplore Yaya Sambou, chef de la base de Coely Alpha situé à 50 km de Widou, dans la commune de Mboula.
D’après la Fao, 22% des terres de la GMV sont arables alors que le tapis herbacé, généralement servant de pâturages, est de 45%. Cependant, ce tapis disparaît après la saison des pluies suite au broutement des animaux et aux feux de brousse. Les 25% sont constitués de montagnes et d’espaces non exploitables, là où les zones de forêts n’occupent que 6% des terres.
La résilience des femmes
Dans les Fermes agricoles communautaires intégrées (Faci) installées dans le cadre de la Grande muraille verte, beaucoup de femmes trouvent leurs moyens de survie. De la transformation de produits à la vente de légumes, des centaines de mères de familles réclament un renforcement de l’initiative. Dieyna Ka, président d’un groupement de femmes s’en félicite : « La Grande muraille est très utile. Avant l’avènement du projet, on allait au Walo le (Nord du Sénégal) et dans le Djolof (centre). Maintenant, on a des fermes et on fait du maraîchage ».
Mais Naib Samba Sow, présidente des femmes transformatrices de Widou, estime que le système d’arrosage manuel est fatiguant. « On veut des gouttes à gouttes. On ne peut pas planter beaucoup parce qu’on le fait manuellement et ça ne nous arrange pas. On se fatigue dans de petites parcelles », déplore-t-elle. L’approche de ferme intégrée est peu appréciée.

Les femmes victimes des effects du changement climatique
« La Grande muraille verte est une initiative noble et purement africaine. Malheureusement, les résultats obtenus sont largement en deçà des attentes parce qu’à un moment donné les moyens n’ont pas suivi et la stratégie n’a pas été clairement identifiée », critique Dr Abdoulaye Fall, consultant environnementaliste et enseignant chercheur à l’Université de Thiès. En 2024, l’universitaire sénégalais a participé à un diagnostic institutionnel au projet pour le compte de l’Union africaine.
« Quand on parle de la grande muraille verte, ce n’est pas un projet de restauration des terres dégradées. Tant que la compréhension n’est pas claire, la stratégie ne va pas être claire et on va continuer à faire des errements, du rafistolage parce que 7000 km de muraille, ce n’est pas en faisant des fermes intégrées qu’on va arriver à le faire », estime-t-il. En réplique, Sékouna Diatta, Dg de l’Asergmv annonce une restructuration du projet de la Grande muraille verte.
Seule la Mauritanie est à jour pour les cotisations annuelles
Pour le bon fonctionnement de l’Agence panafricaine de la Grande muraille verte, chaque Etat membre doit verser annuellement 100 millions de FCfa. En juillet 2024, seule la Mauritanie est à jour. Dans certains pays, comme le Burkina Faso et le Mali, la cotisation statutaire est intégrée au budget de l’agence nationale, tandis que dans d’autres, comme le Sénégal, son versement dépend du ministère des Affaires étrangères qui fonctionne selon ses priorités et son propre rythme. Dans certains cas, comme l’Érythrée et Djibouti, la cotisation n’a simplement jamais été budgétisée ni versée.

Situation des contributions statutaires en années à la date du 1er juillet 2024 / Source : APGMV
Les conflits impactent négativement l’initiative
La mauvaise gestion des conflits au Sahel a conduit à une situation de ni paix ni guerre dans cinq pays de la GMV qui font face à des conflits armés complexes et quasiment ancrés (Burkina Faso, Mali, Niger, Nigéria, Tchad) et trois sont déchirés par des guerres civiles (Soudan, Éthiopie et Érythrée). Cet aspect sécuritaire pose le défi de la pérennité de la Grande muraille verte. En effet, selon le Centre d’études stratégiques de l’Afrique, huit pays de la GMV (Soudan, Nigéria, Éthiopie, Burkina Faso, Mali, Érythrée, Tchad et Niger) totalisent 46,56% des déplacements forcés en Afrique en 2023. En clair, ils comptabilisent 18 809 952 sur les 40 398 156 personnes contraintes à des déplacements forcés.

Populations déplacées de force dans les pays africains en conflit
Une enquête réalisée par Babacar Gueye Diop (Sénégal) avec le soutien de la CENOZO dans le cadre de la phase 3 du projet Open Climate Reporting Initiative (OCRI).
 
                			
                                        			




