Impacts économiques et résilience au Covid-19 en Afrique de l’Ouest : Les “rescapés” du Parc National de la Pendjari au Bénin

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Le 16 mars 2020, le Bénin a enregistré son premier cas de Covid-19. Pour en limiter la propagation, le gouvernement a pris des mesures restrictives avec la mise en place d’un cordon sanitaire, la fermeture partielle des établissements scolaires et universitaires, l’interdiction des manifestations populaires… Un contexte sanitaire pandémique couplé aux mesures prises de par le monde qui a engendré des perturbations dans nombre de secteurs d’activités, dont celui du tourisme. Ses conséquences sur la réserve animalière du Parc National de la Pendjari, l’une des plus représentatives de la sous-région et de l’Afrique, en l’occurrence sur ses guides touristiques dont le revenu est principalement lié au guidage des touristes restent insoupçonnées. Enquête au cœur du quotidien des guides touristiques du Parc National de la Pendjari au Nord-Ouest du Bénin, en pleine crise Covid-19 sur la résilience du Parc.

Au Bénin, cinquième destination touristique Ouest Africaine, le tourisme absorbe 8 % de la population active et occupe le deuxième rang après le coton dans l’apport de devises à l’économie nationale et constitue  le troisième employeur après l’agriculture et le commerce selon les données de la Banque mondiale. Acteurs de la chaine touristique, la pandémie de la Covid-19 a eu un impact drastique sur les guides touristiques du Parc National de la Pendjari, déjà fragilisés par l’insécurité qui demeure un facteur limitant pour le tourisme dans la sous-région, tout comme les endémies, dont Ebola et Lassa. Avec l’avènement de la Covid-19 et les mesures restrictives afférentes, les touristes se sont raréfiés, ce qui a engendré l’effondrement du secteur touristique et par ricochet une baisse d’activité des guides du Parc National de la Pendjari.

Dispositif de lavage de mains au niveau de la boutique à l’entrée du Parc National de la Pendjari à Batia pendant la Covid-19 / Ph : Ange Banouwin

Selon la Direction du Parc National de la Pendjari, environ 70% des guides ont perdu leur clientèle. Seuls les guides qui ont des activités diversifiées et qui ont maintenu une stratégie de ciblage des clients domestiques et régionaux ayant mis beaucoup d’efforts dans le marketing, ont pu garder leur clientèle pendant la crise.

En effet, la principale source de  revenus de ces guides touristiques est le guidage. Leur deuxième source, voire la plus bénéfique est la location de véhicules tout-terrain (4×4). Certains d’entre eux, dans l’exercice de leur profession ont la chance de tomber sur des partenaires, notamment des européens qui nouent des partenariats ‘’gagnant-gagnant’’ qui consistent à doter ces guides de véhicules tout-terrain (4×4), seuls types de véhicules recommandés et autorisés à rentrer dans le parc, et mis en circulation pour rentabiliser leurs activités.

D’autres, moins chanceux, font recours à des prêts bancaires pour en acquérir. Au nombre des guides qui interviennent dans le Parc National de la Pendjari, on distingue en moyenne trois catégories. Il y a ceux qui ne sont que guides ;   les guides propriétaires de véhicule qui sont guides et chauffeurs à la fois ; et les guides locaux, riverains du parc, qu’on retrouve aux deux entrées du parc, notamment à Batia et à Porga. A ces trois catégories s’ajoute une quatrième catégorie, les transporteurs de touristes. A noter qu’il y a également des guides chauffeurs qui ne sont pas propriétaires de véhicule. Ces derniers travaillent en partenariat avec d’autres qui ont des véhicules qu’ils mettent à leur disposition sur la base d’un accord.

Résilience des guides touristiques de la Pendjari au Covid-19  

Dans la matinée du mercredi 03 février 2021, nous devons rencontrer Iliassou SEYDOU. Fort de 8ans d’expérience dans le secteur du tourisme à la Pendjari, son véhicule 4X4 en dépannage, il propose d’aller à sa rencontre chez son mécanicien au quartier Dassagaté à Natitingou, ville où réside la majorité des guides intervenant dans le parc et point de ralliement des touristes en provenance de Cotonou qui y passent la plupart du temps, au moins une nuit avant de se rendre dans le parc le lendemain, le cas échéant. Sur les lieux, le moteur du véhicule est à terre en train d’être segmenté. Le mécanicien à l’œuvre est Olivier NAMBONI, également guide touristique tout comme Mokhtar DRAMANE qui s’affaire sur un autre véhicule tout-terrain.

De gauche à droite Mokhtar DRAMANE, Olivier NAMBONI et Iliassou SEYDOU / Ph : Ange Banouwin

A l’endroit, en stationnement, quatre véhicules, dont trois pickups et un minibus tout-terrain, pas pour raison de panne de moteur mais pour défaut de clientèle. Les fauteuils supérieurs souvent vissés sur le toit pour avoir une vue panoramique, de la 4×4 blanche dont on peut imaginer la durée d’abandon, sont à terre. « On est mort parce qu’on n’a pas de clients. On ne bouge pas on est à la maison. », déclare Iliassou SEYDOU.

Garé depuis environ 8 mois, son véhicule est en train d’être réparé dans l’espoir de la reprise des activités.  « Mes petites économies que j’ai c’est déjà fini. J’enlève et ça ne revient pas » se désole-t-il. Pis, il déplore le fait qu’entre temps, même quand le parc ferme il y a d’autres activités connexes, de même que des occasions de location de véhicule, ce qui n’est plus le cas.

Olivier NAMBONI, 22 ans d’expérience dans le parc âgé de 43 ans, soutient n’avoir jamais vécu pareille situation.  Il estime même que ses clients sont morts pour n’avoir reçu aucun appel téléphonique depuis lors. « Jusqu’à présent même pas Allô ! Peut-être qu’ils sont morts (…) Depuis l’année passée mon téléphone n’a pas sonné et je n’ai pas mis pied dans le parc ». A la question de savoir de quoi il vit : « Je grattais non ? (il décalaminait un moteur-ndlr) je sais qu’il (son collègue propriétaire du véhicule-ndlr) ne va pas me laisser comme ça. C’est dur, très dur… », répond-t-il.

Avec la crise née de la pandémie de la Covid-19, l’un des changements engendrés dans le secteur touristique au Bénin est la rareté de la clientèle pour les guides, conséquence de la baisse de la fréquentation du Parc National de la Pendjari. La situation est préoccupante au point où certains sont obligés de recourir à l’assistance. « C’est un ami Belge associé qui m’envoie un peu de sous pour manger. C’est lui qui m’aide jusqu’à présent. Parce qu’on ne travaille plus. Ça il faut le dire, il n’y a plus de boulot. », confesse Mathieu YOKOSSIPE, la quarantaine, guide accrédité du Parc  National de la Pendjari, son badge au cou, actif depuis bientôt 15 ans selon ses dires.

« En tant que guide touristique c’est tellement dur. Avant la Covid, selon mon agenda, je rentrais presque au minimum 5 fois par mois dans le parc. Mais lorsque la maladie est apparue, ma dernière fois où j’y suis rentré était février 2020. Courant février 2020-mars 2020 j’ai forcé un peu ; mais jusqu’à aujourd’hui je peux vous dire que je n’ai pas eu de client depuis 2020, imaginez ! », ajoute-t-il.

Sylvie Assiba YEROPA, guide certifiée depuis 4 ans, la trentaine, l’une des rares femmes exerçant le métier déclare : « La politique qu’on est en train d’adopter en ce moment est de faire le tourisme national ; pousser nos compatriotes à visiter le parc. Ce n’est pas pareil avec les étrangers mais quand même cela nous permet de rester en activité ». Dans ce contexte elle soutient qu’on ne peut pas dire que leurs activités se passent bien, car la clientèle a baissé, et la majorité des guides essaient de trouver une activité parallèle pour ne pas succomber.

Il est indiqué que la majorité des guides ont appris un métier à la base, et ceux qui sont à 100% guides ne sont pas nombreux, bien que ce soit leur principale source de revenus. Avec les effets de la Covid-19, retour donc à la case départ pour certains ou prospection d’autres activités génératrices de revenus pour d’autres, pour pouvoir joindre les deux bouts.

« Moi je suis un mécanicien, je dirai que cela fait 9 à 10 ans, que je suis vraiment intégré dans le tourisme. », reconnait M’Boma N’PEMOUDE. Le “jeune” guide, et chef de ménage indique que face à la crise les guides se débrouillent, lui-même y compris. « A cause de Covid j’ai démonté mes fauteuils supérieurs parce que je n’ai pas de clients. Je ne peux pas être en train de circuler avec ça dans la ville. Peut-être il y aura quelqu’un qui va me louer pour faire des courses en ville sinon à tout moment le siège doit être en haut ».

M’Boma N’PEMOUDE avec son vehicule 4X4 / Ph : Ange Banouwin

Pour juguler la situation, ceux qui étaient chauffeurs font le transport  interurbain, d’autres le taxi moto et certains sont ouvriers sur les chantiers de travaux publics, notamment les routes ou la construction de maisons.  Les guides qui sont un peu isolés de la ville s’occupent des travaux champêtres, les petits commerces et autres. Déjà 07 mois que M’Boma N’PEMOUDE habitué à aller chercher ou ramener les touristes à l’aéroport à Cotonou (536 km de Natitingou) la capitale économique du pays n’a pas effectué de voyage. Certains guides ont fait plusieurs mois sans mettre les pieds dans le parc pour défaut de clients.

Pour faire face à la situation, les guides développent des initiatives pour s’adapter. Sylvie Assiba YEROPA pour sa part indique comme activité pour juguler la crise : « Moi par exemple je suis éleveur depuis. J’ai fait le lycée agricole, donc normalement je suis plus agricole et donc je fais l’élevage des poules pondeuses depuis un certain temps avant d’entrer dans le corps de métier. Je dirais que la Covid m’a relancé dans le secteur ; actuellement je fais l’élevage des poules pondeuses. ».

Afin de gérer la période de longue soudure, imposée par la Covid-19, « Moi je fais aussi un peu la location comme j’ai des véhicules climatisés. Il arrive que les gens demandent à louer le véhicule, que ce soit les centres de santé et autres quand ils en ont besoin pour faire la piste et tout. Ça n’a rien à voir avec la période touristique. C’est ça un peu on fait pour se débrouiller. », indique pour sa part Adamou AKPANA, Guide chauffeur accrédité du Parc National de la Pendjari, 25 ans d’expérience dans le parc, président de l’Union des guides et transporteurs de touristes de la destination Pendjari (UGTP).

Adamou AKPANA, président de l’UGTP montrant son véhicule de Safari garé depuis plusieurs mois à domicile / Ph : Ange Banouwin

Impacts économiques de la Covid-19 sur les guides de la Pendjari

La Covid-19 a engendré des bouleversements dans le secteur du tourisme au Bénin. En termes de revenu, les impacts ont été drastiques pour les guides touristiques du Parc National de la Pendjari. A la maison depuis un moment en raison de la crise sanitaire, «On se débrouille comme on le dit, économiquement c’est à terre…», répond Adamou AKPANA, président de l’UGTP.

« On ne peut pas évaluer mais je vais vous donner ça en termes de pourcentage. Par exemple, en saison touristique quand ça marchait bien si j’étais à 100% aujourd’hui je dirai que ça doit tourner autour de 03% même pas 05%. Donc vous voyez c’est vraiment à terre. », pincement au cœur déclare le président de l’UGTP. Rentré 5 fois dans le parc cette saison démarrée en octobre 2020, alors que les années antérieures son agenda est plein à craquer, et parfois même des touristes attendent qu’il sorte du parc pour les ramener ; son véhicule de Safari qu’il loue aux touristes est garé à domicile tout poussiéreux.

Aujourd’hui pour scolariser leurs enfants, des guides sont obligés de payer la scolarité par tranches, voire négocient des moratoires. Une situation qui reste préoccupante pour plus d’un. « On ne va pas dire que ça se passe bien… ça a vraiment bousculé beaucoup de choses. Dieu merci qu’on n’est pas encore mort, sinon, on peut mourir sans être contaminé » déclare Iliassou SEYDOU de la situation économique qui prévaut au sein des guides.

Pour sa part, bien qu’ayant noté des gaps, Sylvie Assiba YEROPA relativise au sujet du manque à gagner : « A mon niveau pas vraiment grand-chose. Si, il y en a eu ; disons environ 30% de baisse. Sinon, je pense que ça n’a pas trop impacté. J’ai eu pas mal de clients béninois vivant à l’étranger rentrés au bercail. Et quand un vient et s’en va, il envoie un autre, ainsi de suite… ». A noter qu’elle a durant la crise redynamisé sa politique de marketing sur les réseaux sociaux. Toutefois, au sujet des clients européens : « Ouf, la baisse a été totale à ce niveau. », reconnait-elle. Et de préciser qu’elle a eu quelques européens mais qui étaient souvent accompagnés par des béninois de l’extérieur qui viennent avec leurs amis ou leurs familles.

Si auparavant, sur les circuits du Parc National de la Pendjari on rencontrait majoritairement des touristes européens avec quelques rares touristes béninois, c’est l’inverse qui s’est produit avec la crise de la Covid-19. « C’est catastrophique ; On a toujours eu des étrangers comme touristes. Principalement les européens, je dirai même les Français. Avec la Covid, d’abord ils ne peuvent pas bouger de chez eux, est-ce qu’ils vont venir ici ? Les quelques clients que nous avons c’est les Béninois. Depuis environ deux ans, ils ont commencé par prendre goût à la chose ; parce que ce n’était pas dans notre culture.   Avec la Covid, on est vraiment en chômage technique on peut le dire. » indique le président de l’UGTP.

Habitués aux touristes européens avec une tarification donnée, les guides sont contraints à constituer d’autres offres tarifaires pour les touristes nationaux pour faire face à la situation, certains élaborent d’autres stratégies d’attraction, notamment des visites par groupe. « Au lieu de 4×4 on serait obligé de louer les minibus pour regrouper maintenant au moins 10 personnes voire 5 ou 6. C’est à cela nous réfléchissons actuellement pour pouvoir drainer les touristes nationaux. », livre Mathieu YOKOSSIPE. Ce qui amoindrirait le coût de location, qui soutient-il serait cassé en deux.

Environ 90% de baisse des recettes au Parc National de la Pendjari liée à la Covid-19

Au fur et à mesure qu’on pénètre dans l’antre de la chaine montagneuse du département de l’Atacora, se dresse à perte de vue la Savane. Le soir à la tombée de la nuit à Tanguiéta, les cricris des sauterelles et autres oiseaux plongent dans une ambiance particulière. Située à l’extrême nord-ouest du Bénin, dans le département de l’Atacora, le Parc National de la Pendjari couvre une superficie de 4.800 km2 et s’étend sur les communes de Tanguiéta, Matéri et Kérou à la frontière du Burkina Faso.

Entrée du Parc National de la Pendjari à Batia au Bénin / Ph : Ange Banouwin

Bastion de la conservation de la faune et de la flore en Afrique de l’Ouest, il fait partie d’une triade de parcs nationaux et de réserves où vivent 90% de la population de lions d’Afrique de l’Ouest, qui regorge plus de 52 espèces de mammifères, et plus de 360 espèces d’oiseaux et diverses espèces de reptiles et constitue une composante principale du complexe transnational W-Arly-Pendjari (WAP) de 35.000 km², réparti sur trois pays : le Bénin, le Burkina Faso et le Niger.

Présenté comme le plus grand écosystème intact d’Afrique de l’Ouest et dernier refuge de la plus grande population d’éléphants de la région et de lions d’Afrique de l’Ouest en danger critique d’extinction, dont il reste moins de 400 adultes desquels 25% vivent à la Pendjari ; Refuge pour les dernières populations de damalisques et de guépards viables en Afrique de l’Ouest.

En effet, les temps forts du Covid-19 ont été marqués par l’arrêt du tourisme qui constitue l’une des sources de revenu du Parc National de la Pendjari. Cependant les opérations essentielles tout au long de la pandémie ont été maintenues assure la direction du parc. De source officielle, le tourisme représente environ 10% du chiffre d’affaires annuel du Parc National de la Pendjari, et le parc n’a perdu aucun donateur clé en raison de Covid-19.  Avec l’avènement de la Covid-19, certaines mesures prises pour en limiter la propagation ont véritablement impacté le parc ; la fermeture des frontières par la plupart des pays et les mesures de confinement ou de cordon sanitaire qui ont été prises et qui n’ont pas permis aux touristes de voyager facilement aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de leur pays, notamment.

De son côté, afin d’amortir le “choc” de la Covid, le Parc National de la Pendjari a mis en œuvre des protocoles fondés sur les recommandations de l’OMS et conformément aux décisions du Gouvernement béninois. Ses actions ont visé à informer et accompagner le personnel et les communautés. Dans le parc, des mesures de préventions sont adoptées, indiquent les guides ; « On a des gels hydro alcooliques et les masques que nous portons, puisque dans le véhicule on est obligé d’être à proximité l’un de l’autre. A la fin de la visite quand on rejoint l’hôtel on se lave les mains avec de l’eau et du savon et on se sépare. Après, quand on se rejoint c’est le même système. Donc chaque fois qu’il y a contact avec l’extérieur on nettoie les mains avec du gel. » témoigne Sylvie Assiba YEROPA.

Pour ce qui est des mesures barrières dans le parc, « ça se fait comme dans la ville aussi. Parce qu’à l’entrée il y a des laves mains, et des gels hydro alcooliques à chacune des deux barrières ; et les touristes s’arrêtent pour laver les mains. Il y en a aussi dans les hôtels à l’intérieur. » renchérit M’Boma N’PEMOUDE.

De l’évaluation des impacts de la Covid-19, il ressort que l’activité phare du Parc National de la Pendjari qui a été perturbée durant la crise est le tourisme. Selon les autorités du parc, eu égard aux mesures de protection prises, le coronavirus n’a eu aucun impact sur le personnel. Cependant, le ralentissement du tourisme a entraîné la baisse des ressources financières liées à cette activité. Des réservations ont été annulées, et de potentiels visiteurs en raison de la crise n’ont pu effectuer le déplacement, engendrant une baisse de fréquentation du parc. « Selon les intentions effectivement annoncées, 430 personnes n’ont pu venir à cause du covid-19 lors de la dernière saison touristique, de mars à fin juillet (2020-ndlr) », renseigne la direction.

Depuis le début de la saison cynégétique d’Octobre 2020, rapportent les autorités du parc, les fermetures de frontières d’une part et la taxe Covid (150€) ont gravement impacté la fréquentation internationale. Les annulations de réservations liées directement au Covid-19 sont d’environ 75 personnes pour cette période. Également, il y a eu des cas où des touristes ont été testés positifs à leur arrivée à l’aéroport ou ont été en contact avec des personnes contaminées. « On estime à 90% environ la baisse des recettes. En décembre 2019 on était à plus de 1000 visiteurs environ par mois contre deux cent visiteurs environ courant février et mars 2020. », indique la direction du parc.

Par ailleurs, en terme de ressources, le manque à gagner engendré par la crise en fonction des ambitions initialement affichées en terme de chiffres d’affaires, pourrait être évalué à 80 millions de fcfa pour la saison touristique 2019-2020, selon la direction du Parc National de la Pendjari. A en croire les autorités du Parc, en ce qui concerne les animaux, la Covid-19 n’a eu aucun impact. « Toutes les opérations de suivi et de protection de la faune ont été normalement assurées. De même, la crise du covid-19 n’a eu aucun impact direct sur les Rangers. Ceux-ci exercent normalement leurs fonctions de garde-faune », assurent-elles.

Toutefois, les missions à l’extérieur comme les séjours professionnels ou autres activités de formation sont perturbées au niveau des gardes faunes que sont les Rangers.  A noter que les autorités du parc ont salué le maintien des engagements par leurs partenaires qui a été d’un grand soutien pour le Parc national de la Pendjari dans la poursuite de l’exécution de sa mission de protection de la faune. « Avant, quand on voyait les animaux, la distance de fuite est grande. Mais aujourd’hui cette distance est réduite et quand vous les voyez, c’est comme si vous n’existez pas. Ils ne se sentent pas menacés ou agressés. Si non, dès qu’on voyait les éléphants de loin, ils s’enfuient, ou vous chargent. Cela montre qu’ils ne sont pas contents. Mais aujourd’hui tous les animaux on les voit, même les animaux rares comme les guépards qui fuyaient quand on les voit…» déclare le président de l’UGTP.

Fauteuils supérieurs souvent vissés sur le toit pour avoir une vue panoramique / Ph : Ange Banouwin

De l’appui de l’Etat béninois aux guides de la Pendjari 

Au Bénin, selon le point fait par le gouvernement le 11 juin 2020, suite à un recensement lancé le 25 avril 2020  à l’endroit des citoyens dont les métiers ont été affectés par la crise du Coronavirus, il a été enregistré environ 44.000 personnes dont 13.614 qui exercent dans le formel, 15.585 qui exercent dans l’informel et qui ont été identifiées dans les registres publics qui sont dans les mairies ou dans la base de recensement national, et 15.582 personnes qui sont aussi dans l’informel et qui sont non identifiées.

Le 09 Juillet 2020, à travers une déclaration de madame Véronique TOGNIFODE MEWANOU, ministre des affaires sociales et de la microfinance, les transferts monétaires aux  personnes vulnérables de la Covid-19, bénéficiaires des mesures d’atténuation du gouvernement contre les impacts du coronavirus, exerçant certains métiers qui ont été impactées par les mesures de restrictions prises à la fin du mois de Mars pour lutter contre la propagation du Coronavirus, sont effectifs. La majorité des bénéficiaires a perçu cette subvention via des transferts monétaires sur leur téléphone mobile.

Au nombre des critères à remplir, le numéro IFU, a braqué certains sur l’objectif réel du recensement. Après vérification les transferts ont été validés à plus de 80% et des dizaines de milliers de citoyens ont perçu les subventions allouées, de source officielle. Il est noté des différences dans les subventions qui dépendent de trois choses : le caractère formel ou non de l’activité ; de la situation géographique de l’activité et également de ce qui a été déclaré en terme de perte de revenus durant la période de mise en œuvre de ces mesures restrictives.

Rencontré dans ses bureaux de la Donga à Djougou, « Je peux vous dire que l’impact de la Covid est néfaste… », dit de la situation qui prévaut, le Directeur départemental du tourisme de la culture et des arts Atacora-Donga, Imadou-Dine MOUSSOULLOUMI TRAORE. « Les guides touristiques, je peux dire que ce sont les plus affectés de la chaine (…) Quand on les a rencontrés ils étaient vraiment malheureux, mais malheureusement je le dis encore malheureusement, la direction régionale n’a aucun pouvoir pour vraiment les soulager. », regrette-t-il.

Il relate la procédure d’appui aux personnes impactées : « D’abord on a demandé aux gens de se faire enregistrer et ce ne sont pas tous ceux qui se sont fait enregistrer qui ont reçu la subvention, parce qu’il y avait des critères. Il y avait des informations qu’il faut fournir et c’est en fonction de cela. ». Indiquant que le secteur touristique n’a pas été traité de façon isolée, et que tous ont été mis dans l’enveloppe sociale que le gouvernement a affectée pour atténuer les acteurs économiques touchés par la pandémie.

Dispositifs de lavage de mains dans le Parc National de la Pendjari / Ph : Ange Banouwin

Selon Imadou-Dine MOUSSOULLOUMI TRAORE, c’est dans tout le département de l’Atacora, des communes de Natitingou, Boukoumbé, Toucountouna, Tanguiéta,  Cobly et Matéri, dans une moindre mesure Kouandé qu’on rencontre des guides touristiques. Des individus qui ont derrière eux toute une famille, donc toute une chaine sans parler des promoteurs hôteliers, des vendeurs des objets d’art, des artistes tout un beau monde qui vit du tourisme. Afin d’obtenir assistance suite à la précarité née de la crise sanitaire, « Avec notre association, on a essayé de demander de l’aide et on n’a eu que 30.000 francs (CFA) chacun, une seule fois, grâce à un partenaire mais ce n’est pas l’Etat … notre président (UGTP-ndlr) s’est battu pour cela, mais après ça jusqu’à aujourd’hui, plus d’aide… », informe le guide Mathieu YOKOSSIPE.

Il renchérit en indiquant que c’était quelques-uns. « Ce n’était pas facile quand même, il fallait s’inscrire en ligne. Et vous savez les guides, par exemple les riverains, ils n’ont pas étudié ; nous on n’a pas fait de grandes études, moi c’est avec un niveau de la classe de troisième que je vous parle. Et pour manier ces appareils c’est compliqué. Ils n’avaient même plus de portable. D’autres n’avaient même plus de l’argent pour recharger leur téléphone, donc c’était très compliqué pour se mettre en ligne pour avoir les trente mille francs directement sur son portable. ».

En ce qui concerne l’assistance en cette situation de crise selon le président de l’Union des guides et transporteurs de touristes de la destination Pendjari (UGTP), Adamou AKPANA, c’est l’ONG Allemande GIZ qui, par deux fois, les a associés à un projet d’éducation environnementale dans les écoles autour du complexe transnational W-Arly-Pendjari (WAP). Ce qui n’a pu couvrir que quelques guides de façon rotative pour permettre à tout le monde de gagner un peu d’argent.

En ce qui concerne l’aide de l’Etat, « Nous on n’en a pas eu, nous nous sommes même déplacés pour aller rencontrer notre ministre de tutelle, le ministre du tourisme à Cotonou pour essayer de négocier. Ils ont dit qu’ils vont voir et qu’il y avait une plateforme  où les gens allaient se recenser en ligne et qu’on ne l’a pas fait. Nous avons dit qu’on ne se voit pas concerné puisque quand on rentre nos données on ne se retrouvait pas. Ils ont dit d’accord qu’ils vont voir, mais rien n’y fit. Grâce à mes relations personnelles avec monsieur Dine BOURAIMA, PDG du Bénin Royal Hôtel de Cotonou,  suite à une initiative de privés  qui avaient fait une cotisation, on nous a donné 30.000 mille chacun. Si j’ai bonne mémoire environs 80% des guides ont reçu 30.000 francs. », précise le président de l’UGTP.

Notamment, sur une centaine de guides issus de diverses associations de guides touristiques de la région en plus de ceux de l’UGTP présentée comme la plus représentative en termes d’adhérents.   En effet, le 24 avril 2020, le Consortium Tourisme par Millions, qui est une association d’acteurs du secteur présidée par Dine BOURAIMA,  a initié une collecte de dons en vue de soulager quelque peu la souffrance des personnes rendues vulnérables par les effets de la pandémie du Covid-19, notamment les employés qui ont perdu leur emploi ou dont les salaires déjà insuffisants sont réduits au strict minimum.

Covid-19 et après ?

La Covid-19 a tout modifié dans les habitudes. En terme de perspectives, pour sa part, le Parc National de la Pendjari met l’accent sur le développement du tourisme domestique. Le désir de ses responsables est de le faire connaître à tous les béninois et en faire une vraie fierté nationale et un levier de développent du tourisme dans le pays. Avec le souhait que les solutions idoines au Covid-19 soient vite trouvées, à savoir la prévention et la guérison afin que les activités touristiques reprennent normalement et retrouvent leur niveau habituel. Si au plan local des autorités affichent une volonté de faire du tourisme un levier de développement de leurs communes   suite à la volonté affichée du gouvernement, des actions sont attendues d’elles par les acteurs du secteur pour le faire renaitre de ses cendres.

Face aux conséquences de la pandémie, dans leur quotidien, les attentes des acteurs du secteur touristique notamment, les guides demeurent. « On connaît des gens qui avaient fait des prêts pour payer les 4X4 et pour les rembourser c’est des problèmes. Il y en a même qui ont vendu leur 4X4 suite aux pressions des bailleurs », observe M’Boma N’PEMOUDE. Toutefois ses yeux sont rivés vers l’horizon. « On dit que le confinement est fini, on dit qu’il y a une autre vague, ainsi de suite… On dit celui qui est par terre n’a plus peur de tomber (rire). Donc on attend ! On a l’espoir que ça va finir et les activités vont reprendre. On prie pour qu’on retrouve notre vie d’entre temps ».

Afin de contrebalancer l’affluence des touristes Internationaux qui est en chute libre, certains comme Mathieu YOKOSSIPE souhaitent l’instauration d’une politique incitative du gouvernement du Bénin pour la visite du parc par les nationaux, en premier lieu, les autorités à divers niveaux et autres notamment. Des guides penchent également pour la redynamisation de leurs offres vers les nationaux, pour l’éclosion du tourisme domestique, visiblement l’issue de secours pour juguler la crise. Toutefois, d’aucuns attendent de rentrer dans leurs investissements, notamment ceux qui ont créé leurs sociétés à la veille de la crise et un réel partenariat avec le parc.

A noter qu’outre cette pandémie qui menace la survie des acteurs du tourisme, notamment les guides touristiques, demeure une inquiétude : celle du mécanisme d’attribution des badges d’accréditation des guides du Parc National de la Pendjari. Un sujet qui fait des mécontents malgré leur satisfaction affichée sur la politique de conservation de la faune et de la flore mise en œuvre.

Enquête réalisée par Ange BANOUWIN avec l’appui de la CENOZO dans le cadre du projet « Covid-19 Response in Africa : Together for Reliable Information » financé par la Commission Européenne.

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