Exploitation minière au Burkina Faso : pollution des ressources en eau en toute impunité !
Au Burkina Faso, le mercure et le cyanure, des produits chimiques hautement toxiques utilisés dans le traitement des minerais se retrouvent dans les eaux de surface et souterraines du pays, condamnant ainsi des générations actuelles et futures à de terribles problèmes hydriques et une catastrophe sanitaire. Les experts sont unanimes : le Burkina Faso ne possède pas actuellement les capacités techniques pour dépolluer les eaux contaminées aux métaux lourds. Le principe du pollueur-payeur, juridiquement consacré depuis 2009, n’est toujours pas en vigueur faute de décret d’application. Conséquence ? Les ressources en eau du Burkina sont continuellement polluées en toute impunité !
La production d’or a permis au Burkina Faso de devenir un géant minier, occupant le 5e rang en Afrique derrière l’Afrique du Sud, le Ghana, le Mali et le Soudan. En effet, l’or produit industriellement au Burkina Faso a contribué à 14,30 % aux recettes de l’Etat en 2020 contre 19,50 % en 2021, selon les rapports de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries extractives du Burkina Faso (ITIE-BF). Cependant, ce record a un revers : la pollution à outrance des ressources en eau du pays par des produits hautement toxiques que sont le mercure et le cyanure, comme le confirment des études.
« Pour chaque gramme d’or obtenu par amalgamation, environ deux grammes de mercure s’échappent dans le milieu ambiant, polluant directement les sols, l’eau et l’air », indique le document de la Politique Nationale de l’Eau, publié en mars 2015 par le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques, de l’Assainissement et de la Sécurité alimentaire.
Le même document ajoute que « L’exploitation minière pratiquée au Burkina Faso a des répercussions néfastes sur l’environnement, quel que soit le mode d’exploitation… Le risque d’une dégradation environnementale consécutive aux activités d’exploitation minière demeure l’un des plus élevés, que celles-ci soient menées en surface ou en profondeur ».
Une précédente étude intitulée « Analyse économique du secteur des mines, liens pauvreté et environnement » du ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie (MECV) et qui date de mai 2011 indique : « Dans les mines, l’usage de produits hautement toxiques (mercure, cyanure) pour l’amalgamation et la cyanuration de l’or augmente fortement la pollution des eaux ».
Dans une étude intitulée « Les mines nous rendent pauvres » : L’exploitation minière industrielle au Burkina Faso et publiée en décembre 2018 par GLOCON Country Report, les auteurs Franza Drechsel, Bettina Engels et Mirka Schäfer affirment que « L’exploitation minière a également des impacts considérables sur l’environnement, tels que… la contamination des eaux de surface et des nappes phréatiques ».
Pourtant, le législateur avait prévu, il y a plus d’une décennie, des mécanismes de gestion de l’eau avec un double rôle : protéger les ressources en eau contre toutes nuisances, dont la pollution, et assurer de façon pérenne le financement des actions de sauvegarde et de restauration de ces ressources en eau. Le principe pollueur-payeur est institué depuis 2009 à travers une loi.
Mais près de 15 ans après, ce principe n’est toujours pas opposable aux contrevenants faute de décret d’application. Les ressources en eau du Burkina sont continuellement polluées en toute impunité. Les Agences de l’eau sont privées d’une source de financement endogène pour assurer convenablement leur mission de protection et de sauvegarde des ressources hydriques du pays.
Principe du pollueur-payeur inopérant, les ressources hydriques en péril !
Le Burkina Faso s’était engagé depuis 1998, à travers le principe de la Gestion intégrée des ressources en eau, à assurer une gestion durable de l’or bleu. Il est adopté en 2001 la loi n°002-2001/AN du 08 février portant loi d’orientation relative à la gestion de l’eau qui a eu le mérite d’édicter le principe du financement du secteur de l’eau par une taxe parafiscale. Ainsi, en 2009, la loi n°058-2009/AN du 15 décembre 2009 portant institution d’une taxe parafiscale dénommée « Contribution Financière en matière d’Eau (CFE) » au profit des agences de l’eau est adoptée.
Cette taxe a trois composantes : la taxe de prélèvement de l’eau brute afférent au principe préleveur-payeur ; la taxe de pollution de l’eau correspondant au principe pollueur-payeur et la taxe de modification du régime de l’eau. Selon Moustapha Congo, secrétaire technique de la gestion intégrée des ressources en eau, la CFE est un mécanisme permettant un « financement souverain et durable des mesures de protection et de sauvegarde des ressources en eau du Burkina ».
Mais de ces trois composantes de la CFE, « seul le principe préleveur-payeur est opérationnel », signale Wendemi Cyprien Tizambo, directeur général de la Direction générale des ressources en eau (DGRE). Les deux autres, dont le principe pollueur-payeur, ne sont pas appliqués faute de décret d’application. En près de 15 ans, depuis l’adoption de la loi en 2009 qui l’institue, le principe sanctionnant la pollution des ressources en eau reste toujours inopérant. Une situation que déplore David Moyenga, expert et ingénieur du génie civil de l’eau.
Pour lui, le Burkina, qui est « très peu doté en ressources en eau », voit cette « ressource très limitée, massivement polluée aux métaux lourds ». Pourtant, selon l’expert, le Burkina n’a pas la technologie nécessaire lui permet de faire face à ce « déluge de pollution des eaux aux métaux lourds » que cause « l’exploitation minière industrielle et l’orpaillage ».
Pourtant, le principe du pollueur-payeur, selon Nadine Nare/Ouerce, juriste au Secrétariat technique de la gestion intégrée de l’Eau (ST/GIRE), signifie que celui qui, à des fins lucratives, pollue les ressources en eau, doit contribuer aux efforts nationaux de restauration desdites ressources, par le paiement d’une redevance.
Firmin Ouédraogo, juriste et conseiller en Etudes et Analyses au ST/GIRE, ajoute que ce principe a pour objet de « prévenir une crise grave d’eau », notamment sa pollution massive et « d’assurer un financement perpétuel des mesures de protection et de sauvegarde des ressources en eau ». Malheureusement, le coût de l’inaction face à la pollution fait perdre au pays, au bas mot, 11 milliards de francs CFA, selon le rapport d’enquête parlementaire sur la gestion des titres miniers de 2016.
Résistance des sociétés minières, persévérance des agences de l’eau, permissivité de certaines autorités
Les sociétés minières sont hostiles à l’application de la CFE. En effet, après l’adoption du décret qui détermine les taux et les modalités de recouvrement de la taxe de prélèvement de l’eau brute en 2011, les compagnies minières, à travers leur faîtière, la Chambre des mines, se sont opposées à son application.
Au cours d’une activité de reddition de compte en matière de recouvrement de la CFE organisée par le ST/GIRE en septembre 2018, des agents publics commis au recouvrement ont reconnu que « des sociétés minières refusent de s’acquitter et d’autres même disent ne pas la reconnaître ». Du côté des exploitants miniers, Toussaint Bamouni, Directeur exécutif de la Chambre des mines, qui avait accepté répondre à nos questions en 2019 sur la CFE dans son bureau, affirmait, que la « clause de stabilité à laquelle l’Etat a souscrit » interdisait que d’autres taxes s’ajoutent aux charges des sociétés. C’est pourquoi les compagnies minières s’opposaient à la CFE, selon lui.
Au cours de l’atelier de reddition de compte de Kaya, Firmin Ouédraogo indiquait que les sociétés minières ont, dans un premier temps, exigé une révision du coût de prélèvement du m³, initialement fixé à 200 F CFA par le décret N°2011-445 du 18 juillet 2011 pour les gros préleveurs comme les industries minières. Mais entre-temps, ce décret sera abrogé suite au lobbying des magnats miniers.
En effet, après quatre ans de tractation, les géants miniers ont réussi à faire reculer le gouvernement qui adopte le décret N°2015-1475 du 07 décembre 2015, ramenant les 200 F CFA à 125 F le m³. Alors que selon Firmin Ouédraogo, les 125 FCFA le m³ a été fixé après la réalisation d’une étude qui démontrait que même le précédent coût (NDLR, 200 F le m3) était avantageux pour les sociétés minières.
Malheureusement, ce rabais n’a pas produit l’effet escompté. Les sociétés minières ont continué à contester la CFE. Ainsi, dans sa revue annuelle 2017, la Chambre des mines du Burkina Faso plaide toujours pour « la révision du taux et du champ d’application de la CFE ».
Le lobbying a consisté dans un premier temps à ne pas reconnaître la CFE dans son ensemble, en excipant la clause de stabilité. Des agents de recouvrement de la CFE nous confient qu’après un bras de fer avec les Agences de l’eau, certaines sociétés ont fini par reconnaître la CFE mais ne font jamais de déclaration des quantités d’eau qu’elles prélèvent ou bien lorsqu’elles font la déclaration refusent à s’acquitter des montants dus. Ce qui ne permet pas aux recouvreurs d’encaisser les montants dus.
David Moyenga relève même que des pressions étaient exercées sur les décideurs pour ne pas prendre les textes d’application. Il a personnellement vécu le cas avec la dernière adoption du Code minier de 2015… Des agents du ministère de l’Eau reconnaissent que la posture hostile des sociétés minières à l’encontre de la CFE a influencé la non-prise du décret d’application du principe pollueur-payeur.
Ainsi, en plus de la pollution des ressources en eau en toute impunité, l’Etat peine à recouvrer la taxe pollueur-payeur à cause de la non-adoption par l’exécutif du décret d’application. Ce lobbying s’est accru en 2015 lorsque la transition a lancé le processus de révision du Code minier.
Dans le cadre de ce travail, nous avons contacté la Chambre des mines via son responsable de communication, Cyril ZONGO. Ce dernier nous a demandé de leur adresser une lettre de demande d’interview accompagnée d’un questionnaire. Ce que nous avons fait, mais aucune suite nous a été donnée au moment où nous bouclions notre histoire, malgré nos multiples relances.
La posture contestataire des sociétés minières a été favorisée par la permissivité de certaines autorités étatiques qui ont aidé ces sociétés « à violer la réglementation CFE en vigueur », selon Firmin Ouedraogo. A titre illustratif, dans la lettre FO/IS/083/10/2012 du 24 octobre 2012, adressée au ministre de l’Agriculture et de l’Hydraulique d’alors, Laurent Sedogo, le directeur général de Bissa gold de l’époque, le Dr Christian F. Ouedraogo, demandait en objet, « l’exonération pour le prélèvement de l’eau brute ».
Le ministre Laurent Sedogo, à travers la lettre n°881/MAH/SG/DGRE du 27 décembre 2012, avait répondu : « … Comme suite à la correspondance N°012-0942-MCE/CAB du ministre des Mines, des Carrières et de l’Energie sur l’avis de votre demande d’exonération du paiement de ladite taxe, je marque mon avis favorable à votre demande d’exonération du paiement de la taxe de prélèvement de l’eau ».
Pourtant, des juristes de l’administration fiscale pensent que le ministre n’avait pas ce pouvoir d’outrepasser un décret pour accorder une telle exonération. Courroucé par cette posture de ses prédécesseurs, le ministre de l’Eau Niouga Ambroise Ouédraogo (2019 à 2021) martelait en 2020 que « la position du Ministère en charge de l’eau est claire : la CFE est une taxe parafiscale que tous les assujettis doivent payer, conformément au décret en vigueur… Nos lois doivent être respectées par tous ».
Poura et Kalsaka, ces martyrs dont on parle peu
Le Burkina Faso n’est pas un pays riche en ressources en eau. Fulgence T. Ki, ancien conseiller technique au ministère de l’Eau, rappelle que : « l’essentiel des ressources en eau du Burkina provient des pluies » et cette eau s’écoule vers les pays voisins, notamment la Côte d’Ivoire, le Ghana. Pour Pascal Nakohoun, directeur des études et information sur l’eau, du ministère de l’eau : « notre pays reçoit environ 200 milliards de m³ d’eau sous forme de pluie, mais nous ne retenons même pas plus de 10 milliards ».
Mais la plus grande menace qui pèse sur le peu d’eau qui reste est le comportement des usagers, dont les exploitants miniers. Poura, la première mine industrielle du Burkina Faso, exploitée par la Société de Recherche d’Exploitation Minière du Burkina (SOREMIB), dans la région de la Boucle du Mouhoun en est la parfaite illustration.
Fermé depuis 1999, le bac à cyanure à ciel ouvert s’étale sur une surface d’environ un demi hectare, suscitant une forte préoccupation des populations locales. Pour limiter les risques liés à la toxicité des résidus miniers du site, l’Agence de l’Eau du Mouhoun avec l’appui de la Mairie de Poura a érigé en 2014 une clôture de fortune pour empêcher que l’eau rougeâtre issue des résidus ne s’écoule hors du site. Cette clôture commence, à vue d’œil, à présenter des signes d’usure. De nos jours, ces déchets chimiques continuent de dégager une forte puanteur dès qu’on s’en approche.
Évoquant les effets néfastes de ce bac, le lieutenant des Eaux et Forêts Basile Kaboré cite « la pollution de l’eau, du sol et même de l’air ». Ce bac est situé à cinq kilomètres du fleuve Mouhoun, le plus grand cours d’eau du Burkina Faso qui traverse les régions de la Boucle du Mouhoun, des Hauts-Bassins et des Cascades et qui continue en Côte d’Ivoire et au Ghana. Il est source d’alimentation en eau potable des grandes villes comme Bobo-Dioulasso, Banfora, Dédougou, etc.
La dangerosité des lieux a amené l’Agence de l’Eau du Mouhoun (AEM) à y implanter des pancartes interdisant l’accès. Il y est écrit en grand caractère et en rouge vif : « Accès interdit » accompagné de l’image d’une tête de mort croisée d’ossements, symbole du danger de mort.
L’Agence de l’Eau du Mouhoun est allée plus loin si on en croit aux propos de Saidou Kanazoé, ancien directeur général de l’Agence de l’Eau du Mouhoun (dans le GIRE Info n°001 octobre-décembre 2017) : « Nous avons fait des prélèvements d’eau de forages et analysé les paramètres physico-chimiques auprès des laboratoires agréés. Il s’est révélé que certains forages sont contaminés. Nous avons approché le maire avec ces résultats pour lui expliquer qu’il n’était pas bon de laisser les populations continuer de boire l’eau de ces forages et qu’il était judicieux de trouver une alternative. Le maire a compris et les forages ont été fermés ».
L’ancien maire de Poura, Seydou Traoré, très remonté, affirme sans détours que la SOREMIB a légué des conséquences négatives sur le site de Poura où les plus nantis ne consomment que l’eau minérale. Seydou Diao, président des éleveurs de la localité, se souvient que « plusieurs dizaines d’animaux sont morts après avoir bu de l’eau » dont il est convaincu qu’elle était contaminée aux produits chimiques issus de l’exploitation minière.
Poura est loin d’être un cas isolé. La mine d’or de Kalsaka (région du Nord) exploitée de 2008 à 2013 par la société Kalsaka Mining SA est aussi concernée. « Kalsaka est un désastre environnemental », s’offusque Jonas Hien, secrétaire exécutif de l’ONG ORCADE. Dans cette localité, la qualité des eaux inquiète en permanence les habitants.
Sous leur pression, la mine avait procédé à des prélèvements de l’eau pour analyse. Mais, « personne n’a jamais pu voir les résultats des analyses qui ont été gardés secrets », souligne l’ex-maire de Kalsaka, Adama Ouédraogo. Pour éviter tout problème de santé, en 2018, le maire de Kalsaka a pris un arrêté pour la fermeture d’un grand puits dans le village de Tapré fortement soupçonné d’être contaminé au cyanure.
Conséquences négatives du cyanure et du mercure
La dangerosité du cyanure dans l’exploitation minière fait l’objet de recherches. Dans son mémoire de Master, intitulé « Risques environnementaux et sanitaires sur les sites d’orpaillage au Burkina Faso : cycle de vie des principaux polluants et perceptions des orpailleurs (cas du site Zougnazagmligne dans la commune rurale de Bouroum, région du centre-nord) », Joël Roamba affirme que « le cyanure ne se bioaccumulebio-accumule pas dans les organismes vivants. Il agit directement comme un poison ».
Plus loin, il révèle qu’ « en général, 0,3 à 0,5 g de cyanure sont nécessaires pour une tonne de minerai, mais dans la pratique, les industriels utilisent 300 à 2000 g de cyanure par tonne de minerai pour une extraction plus efficace ».
Le Rapport d’Evaluation Initiale de Minamata de juin 2018 a évalué les rejets du mercure dans les eaux du Burkina. Se fondant sur les données fournies par six compagnies minières, ce rapport évalue à 34.98 % la responsabilité de l’exploitation minière dans la pollution des eaux par le mercure. L’étude précise que « l’extraction de l’or par amalgamation au mercure sans utilisation de cornue » s’élève à « 6 310,7 kg Hg/an ».
Selon l’expert en eau David Moyenga, le mercure, une fois dans l’eau, peut durer environ 70 ans. Selon lui, la présence des métaux lourds dans l’eau, le sol représente un grand danger pour la biodiversité et constitue une source de problèmes de santé publique pour l’homme. Les animaux qui boivent l’eau contaminée vont développer des maladies et l’homme qui les consomme s’y expose également.
L’expert signale que la présence de ces métaux dans le corps provoque sur le plan sanitaire, entre autres, la perturbation du système nerveux, l’endommagement des fonctions cérébrales, de l’ADN et des chromosomes, des réactions allergiques, des éruptions cutanées, la fatigue, des maux de tête, une influence négative sur la reproduction, des maladies cardiovasculaires. Il ajoute que le traitement de la plupart des maladies provoquées par ces produits est hors de la portée d’une majorité écrasante de la population burkinabè.
Le Rapport d’enquête parlementaire de 2016 cite des cas avérés d’inconvénients de la pollution de la ressource en eau. En effet, il y est mentionné que : « Le parc à résidus de la société des mines de Bélahouro aurait cédé et occasionné une mortalité d’animaux… ; … il a été observé la mort d’animaux par suite de la consommation d’eau ou d’herbe ; de nombreux points d’eau (eau de surface et forages) et de pâturages sont contaminés, et ont entraîné la mort d’animaux (bovins, caprins…) dans la région du Sahel à Gaskindé, à Gomdé fulbe et mossi (communes de Tongomayel et de Koutougou), à Gorom Gorom, dans la région de l’Est à Fada, dans la région du Sud-Ouest et de la Boucle du Mouhoun ».
Le même rapport d’enquête des députés évoque l’utilisation du cyanure et du mercure sur les sites d’orpaillage, notamment à Gosey et à Banadiara. L’utilisation de ces produits a entraîné, selon les Parlementaires, l’apparition de certaines maladies jadis éradiquées telles que le charbon bactérien et une mortalité d’animaux inexpliquée (intoxication de vautours et de poissons en 2014). Les sites de mines abandonnés pour cause de fin d’exploitation (Kalsaka, Poura) ou de suspension (Tambao), et bien d’autres, sont quasiment des « crimes à l’environnement », souligne le rapport d’enquête parlementaire.
Enquête réalisée par Hamidou TRAORE avec l’appui de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO).
ENCADRÉ
Une faiblesse avérée de la protection de l’environnement dans le secteur minier Des spécialistes environnementaux pensent que l’inapplication du principe pollueur-payeur n’est qu’un pan dans la détérioration de l’environnement. David Moyenga regrette qu’il n’y ait pas de dispositif efficace mis en place par l’Etat pour le contrôle et la surveillance de ces mines pour s’assurer ou faire respecter la législation environnementale, et ce, malgré l’expérience du Burkina Faso qui a eu au moins 19 mines en exploitation jusque-là. Il cite par exemple le cas de la mine de Perkoa où 08 travailleurs ont perdu la vie après une inondation en avril 2022. L’instruction judiciaire du dossier a révélé une série de négligences, de violations répétées des règles et des exigences élémentaires de sécurité et de santé au travail. Côté infrastructure, un laborantin de l’administration publique, qui a requis l’anonymat, est formel : Faute de moyen, le Burkina n’a pas un dispositif conséquent pour dresser un « état de référence de la situation de la pollution aux métaux lourds au plan national » et les traiter efficacement. L’homme précise que les « laboratoires sont sous-équipés en ressources humaines, financière et en équipements adéquats». Il en veut pour preuve l’absence dans les laboratoires du pays d’un appareil à la pointe de la technologie comme le « ICP MS » qui pourrait coûter jusqu’à 250 millions. Selon notre laborantin, cet appareil est incontournable si l’on veut connaître le niveau réel de pollution d’une ressource en eau. Il permet, entre autres, de détecter le moindre polluant se trouvant dans une eau. Une étude intitulée « Évaluation environnementale et sociale du secteur minier, Approche stratégique en vue de l’amélioration de la gestion environnementale et sociale du secteur minier » du Ministère des Mines et de l’Énergie (janvier 2014) corrobore l’avis des experts environnementalistes en quelques points : « La protection de l’environnement n’a jamais été une priorité des gouvernements successifs. La gestion environnementale n’existe que sur papier et en fonction des pressions extérieures (Nations Unies, Banque Mondiale, ONG). L’allocation budgétaire en matière de protection de l’environnement, et en particulier en matière d’évaluation environnementale, reste faible. Le ministère de l’Environnement a constamment changé d’orientation et de structuration depuis les 20 dernières années. Le lobbying des sociétés minières fait en sorte que peu de moyens sont mis en œuvre pour le contrôle. Il y a une insuffisance de connaissance ou d’intérêt général pour la protection de l’environnement. Les conséquences qui en découlent sont un suivi environnemental et social du secteur minier quasi inexistant, aucune donnée sur le suivi des risques environnementaux et sociaux des sociétés minières et une capacité réduite d’intervention du BUNEE (NDLR : Bureau national des évaluations environnementales) pour la réalisation de son mandat légalement défini ». H T |