Démocratie au Burkina, Mali et Niger : ces partis sans compte bancaire encore moins de siège qui reçoivent le financement public

0
1296

L’avènement de la démocratie et du multipartisme, au début des années 90, a été accueilli avec un espoir de voir les États entrer dans l’ère de la bonne gouvernance, du développement économique et social au bénéfice des populations. La conquête des libertés démocratiques a servi de tremplin à l’éclosion et au foisonnement des partis politiques. Les peuples du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont rêvé d’une gouvernance vertueuse. Ce rêve s’est transformé en cauchemar, ce qui s’illustre actuellement par une situation à la limite chaotique de chacun d’eux.

Le Mali traverse présentement une transition, après un troisième coup d’État militaire depuis 1991. Au Niger, l’échec des politiques se traduisit par des coups d’État en 1996, 1999 et 2010. La tentative obstinée de l’ex-président Blaise Compaoré et sa garde prétorienne de verrouiller l’accès au pouvoir a conduit à une insurrection populaire au Burkina Faso qui l’a écarté mais, le pays peine encore à cause du lourd passif laissé par cet ancien militaire.

C’est lors des assises de la conférence nationale souveraine tenue en 1991 que le principe de la démocratie pluraliste a été adopté par le peuple nigérien et concrétisé dans le préambule de la Constitution du 25 novembre 2010. Au Mali, c’est la loi n° 05-047/ du 18 août 2005, portant Charte des partis qui le consacre. Elle définit les partis politiques comme « des organisations de citoyens unis par un idéal, prenant la forme d’un projet de société, pour la réalisation duquel ils participent à la vie politique par des voies démocratiques » dont la vocation consiste à mobiliser et éduquer leurs adhérents, à participer à la formation de l’opinion, à concourir à l’expression du suffrage, à l’exercice du pouvoir et à encadrer des élus.

Dr Thomas Ouédraogo, Directeur exécutif du CGD du Burkina Faso

C’est pratiquement ce que dit également l’article 13 de la Constitution du Burkina selon lequel les partis politiques doivent concourir à l’animation de la vie politique, à l’information et à l’éducation du peuple ainsi qu’à l’expression du suffrage. Ils sont, comme le souligne Dr Thomas Ouédraogo, Directeur exécutif du Centre pour la Gouvernance démocratique (CGD), « des institutions qui animent la vie publique en exerçant ou en s’opposant au pouvoir dans un cadre organisé ».

Bassolma Bazié, secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Burkina (CGTB), pousse son analyse en distinguant sous nos cieux trois types d’hommes politiques : ceux qui vivent de la politique et en font un marché sans norme, sans valeur, sans morale pour se faire de l’argent ; ceux qui vivent pour la politique et qui ne voient que l’avenir de leur pays ; enfin, le niveau intermédiaire entre les deux pôles. Aussi le syndicaliste Bazié déduit-il que ce sont ceux qui vivent de la politique qui tirent leurs marrons du feu au détriment des populations.

De la contribution des partis à la démocratie pluraliste

Le Niger compte cent soixante-trois (163) formations politiques reconnues légalement, le Burkina Faso en a deux cent quatre (204) contre deux cent trente (230) pour le Mali.  Un pluralisme politique qui suscite beaucoup d’interrogations. Selon Moussa Mara, président d’honneur du parti Yèlèma (le Changement) et ancien Premier ministre malien : « Le multipartisme intégral est un choix constitutionnel qui correspond à la liberté d’opinion, elle-même base de la démocratie. La liberté de constituer un parti ne doit pas être remise en cause. En revanche, il faut renforcer les conditionnalités pour créer un parti afin de disposer de grands partis qui structurent notre vie politique ».

Il ajoute que cela peut se traduire par l’obligation de participer à toutes les élections ou de la couverture de 2/3 du territoire national. Cela réduirait le nombre de partis à 8 ou 10 au Mali. Ce n’est pas là une restriction des libertés démocratiques, mais une approche pour renforcer les conditions de création et de fonctionnement des partis, pour en avoir de très importants qui seront gages de stabilité pour le pays, explique l’homme politique. La faillite d’un État se manifeste par une diversité d’indicateurs comme son incapacité à préserver l’ordre, à garantir la sécurité de la population, à normaliser les relations sociales ou encore l’absence d’un contrôle minimal de son espace politique et économique. Ce sont là des symptômes communs actuellement au Burkina, au Mali et au Niger. Ils vivent une chute vertigineuse de leur gouvernance sécuritaire, conséquence de la mal gouvernance politique.

Cette faillite des États se manifeste aussi par une occupation systématique de leurs territoires par des groupes extrémistes violents et mobiles dans les trois pays qui pillent, tuent, brûlent, séquestrent, violent sans discernement. Les Forces de défense et de sécurité (FDS) au même moment subissent la folie meurtrière des terroristes. L’absence d’un contrôle adéquat de l’espace politique et économique a été un terreau fertile aux activités illicites en tous genres : trafics de drogues, d’armes et d’êtres humains. Le respect de l’Etat de droit sur l’ensemble du territoire national est devenu une chimère. Les régions du Sahel et de l’Est du Burkina Faso, du fait qu’elles sont les moins nanties en termes de personnels qualifiés et d’infrastructures éducatives, sanitaires et routières sont devenues des épicentres du terrorisme. Les terroristes surfent sur la mal gouvernance, les inégalités sociales, les injustices, la misère ambiante, l’absence de l’État, la terreur et la peur pour faire basculer une bonne partie des fils de ces localités dans l’extrémisme violent.

On peut dire autant, pour plusieurs localités du nord et du centre du Mali, du sud-ouest et du sud-est du Niger. Plusieurs parties de ces pays sont devenues des no man’s land à infrastructures détruites, aux services sociaux de base rasés, inexistants et aux populations déplacées ou réfugiées. Cette impuissance des pouvoirs publics face au dépérissement de l’influence de l’État et de sa souveraineté sur son territoire n’exonère pas les partis politiques, qui gouvernent ou qui ont gouverné, qui siègent ou qui ont siégé à l’Assemblée nationale, aux postes électifs et de nomination depuis l’avènement de la démocratie. « Ils ont une lourde responsabilité dans l’état de la nation, eu égard au rôle (missions) que leur confèrent les Constitutions et les Chartes qu’ils n’honorent pas », s’indigne un enseignant syndicaliste malien qui a préféré garder l’anonymat.

Pour lui, c’est l’une des raisons qui font que des Nigériens, Maliens et Burkinabè bravent l’hostile Sahara ou les vagues meurtrières de la mer à destination de l’Europe. Le président du Conseil Révolutionnaire pour la Démocratie Nouvelle (CRDN), Zamani Laouali Mato Nassirou fait remarquer que la faillite de l’État est assez cruciale. Les réalités la certifient chaque jour au Niger. « Dans ce pays, nous avons des moyens, des ressources matérielles et financières assez suffisantes pour assurer notre sécurité. Mais la défaillance vient du politique, incapable de garantir cette sécurité qui est pourtant un devoir constitutionnel », ajoute-t-il.

Des ressources financières des partis politiques

Selon l’Article 21 de la Charte des partis du Niger, « les ressources financières des partis politiques sont constituées d’une part de ressources propres et d’autre part de dons, legs, libéralités et subventions. Les partis ne peuvent recevoir des dons et legs provenant des sociétés commerciales, industrielles et de services ». L’article 23 de cette même Charte dispose que « Les partis ne peuvent recevoir des dons et legs provenant des sociétés commerciales, industrielles et de services ». Le montant cumulé des dons, legs et libéralités ne doit en aucun cas dépasser 50 % du montant total des ressources propres du parti politique et doit faire l’objet d’une déclaration adressée, à la clôture de l’exercice budgétaire, au ministre chargé de l’Administration territoriale, précise l’article 24.

« Tout parti politique doit tenir une comptabilité régulière et un inventaire de ses biens meubles et immeubles conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Les documents et pièces comptables doivent être conservés pendant dix ans au moins… », selon la Charte. Les partis politiques sont tenus de déposer au plus tard le 31 mars de chaque année, leurs comptes annuels de l’exercice précédent auprès de la Section des comptes de la Cour suprême. Cette juridiction établit au plus tard le 31 décembre de l’année en cours, un rapport annuel de vérification des comptes de l’exercice précédent qui est rendu public. La vérification peut s’étendre à toutes les structures du parti, indique la Charte.

Pour le Chef de file de l’opposition politique burkinabè (CFOP), Eddie Komboïgo, par ailleurs président du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), la subvention de l’État à l’endroit des partis politiques en dehors des cotisations des militants et les dons, est nécessaire pour leur survie. « Ne pas soutenir un parti, c’est réduire la chance qu’il y ait une alternance au Burkina Faso donc la démocratie », insiste-t-il. Selon Moussa Mara, son parti “Yèlèma” au Mali « reçoit le financement public depuis 2013. En moyenne 14 millions de francs cfa chaque année jusqu’en 2017 où à la faveur des communales de 2016 et les 400 élus locaux que le parti a obtenus, notre financement est passé à environ 55 millions de francs cfa chaque année. Nous sommes ainsi le 8e ou le 9e parti en termes de perception annuelle du financement public ».

Pour le Parti Yèlèma, le financement reçu en 2018 ne représentait pas 20% de son budget de campagne cette même année. Aussi, pour le responsable de Yèlèma, il faut mener une réflexion sur cela et ouvrir notamment la perspective du financement populaire des partis politiques. Au Mali, les partis politiques coûtent annuellement à l’État l’équivalent de 0,25% des recettes fiscales sur la base des dispositions de la loi 00-045 du 07 juillet 2000 modifiée par la loi N°05-047 du 18 août 2005, portant Charte des partis politiques au Mali, confie la Délégation générale aux élections (DGE). Ainsi, l’État malien a accordé aux partis politiques 3 374 442 789 de fcfa en 2018, 2 695 491 280 de fcfa en 2017, 2 236 337 114 de fcfa en 2016, rapporte l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali.

L’état des lieux de l’aide publique aux partis

Au Burkina Faso, à l’issue du dernier scrutin législatif de novembre 2020, seules quatre formations politiques ont été éligibles à la subvention hors campagne. Il s’agit du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP : 34,59 %), du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP : 13,26 %) de l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC : 10, 18 %) et du Nouveau Temps pour la Démocratie (NTD : 5,56 %). Ces partis vont se répartir au prorata du nombre de suffrages obtenus, un montant de plus de 2,5 milliards de fcfa pour financer leurs activités jusqu’aux prochaines élections législatives.

D’après la Cour des comptes burkinabè, durant la législature passée (2015-2020), six partis politiques avaient bénéficié de la subvention de l’État de leurs activités hors campagne suivant le pourcentage recueilli au scrutin. Au Mali, le montant global annuel du financement des partis politiques dépend du montant des recettes fiscales annuelles. Le montant de 2019 est de 2 953 996 250 fcfa, que les partis politiques n’ont pas encore perçus, ce qui rend incertain celui de 2020.

Dr Ibrahima Sangho – Président de l’Observatoire pour la démocratie et la bonne gouvernance du Mali

Selon la Délégation Générale aux Élections, 85 partis politiques remplissent les conditions pour être éligibles à l’exercice 2019. Le montant cumulé de financement des partis politiques de 2001 à 2019 est de 28 933 848 944 fcfa. Le financement public doit permettre d’éviter que des groupes mafieux ne financent les partis, avec comme conséquence, de contrôler politiquement le pays, fait remarquer Dr Ibrahima Sangho, président de l’Observatoire pour la Démocratie et la Bonne Gouvernance, qui ajoute : « Ce qu’on déplore aujourd’hui par rapport à l’aide aux partis politiques, c’est qu’au lieu d’asseoir la démocratie, la République, les valeurs de la démocratie, on s’adonne à violer la Constitution, on appelle l’armée à faire un coup d’État. Les élections doivent être transparentes, crédibles pour renforcer la démocratie, et non contester les décisions de la Cour constitutionnelle ».

Au Niger, la Cour des comptes a révélé dans ses rapports (2015, 2016 et 2017), de graves irrégularités dans la gestion des partis politiques. Certains n’ont même pas de compte bancaire, de siège et ne tiennent pas de comptabilité. Il y a manifestement non-respect des conditions légales d’utilisation de la subvention octroyée par l’État. En 2016, sur les 16 partis politiques représentés à l’Assemblée, seulement 7 ont déposé leurs comptes pour l’exercice 2018. Ils étaient 9 pour l’exercice 2019. Il est ainsi relevé une absence de transparence dans la gestion des fonds alloués aux partis politiques.

En effet, dans un de ses rapports, la Haute Autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HALCIA) a notifié qu’en dépit de l’existence de plusieurs instruments juridiques, on assiste à des transactions de nature corruptive entre les pourvoyeurs de fonds destinés au financement des partis politiques et les responsables des partis politiques. Les fonds injectés lors des transactions constituent un investissement de corruption qui crée des rapports d’obligations réciproques. Le retour sur investissement attendu, affecté d’un coefficient multiplicateur très élevé est toujours réalisé au détriment de l’État et de l’intérêt général. Pour la Délégation Générale aux Élections du Mali, « les partis politiques sont censés utiliser le financement public pour la formation, l’éducation, l’information et la mobilisation de leurs militants ; payer les frais de location de leur siège et le matériel nécessaire au fonctionnement du parti. Mais seule la Section des Comptes de la Cour Suprême peut préciser l’utilisation du financement ».

Moussa Mara, Ancien Premier ministre du Mali

Selon l’ancien Premier ministre, Moussa Mara, normalement les partis dépensent le financement public pour faire face à leurs charges de fonctionnement, leurs manifestations politiques, leurs activités politiques de terrain et de campagnes électorales. « Dans les faits, à certains niveaux, il y a sans doute des abus comme l’utilisation à des fins personnelles, de ce financement ; ce qui n’est pas acceptable et doit être sanctionné ». Pour Seydou Mallet, Conseiller à la section des comptes de la Cour Suprême du Mali, les documents comptables ne sont pas tenus ou sont mal tenus ou incomplets. Il y a nécessité de revoir les critères d’attribution et de les étendre à d’autres aspects, tels que le financement de la campagne électorale, ajoute M. Mallet. Pour ce responsable de la plus haute juridiction malienne : « Ce n’est pas prévu dans les textes, mais il serait très intéressant de savoir d’où proviennent les fonds de campagne et permettre à la section des comptes d’auditer les fonds des campagnes des partis politiques. Cela est très important, car si l’origine peut être douteuse, elle peut être une source de blanchiment, une source d’enrichissement illicite ou provenir d’organisations terroristes ou autres… Il faut qu’on soit regardant sur l’origine des fonds des campagnes électorales ».

Trempés dans la faillite de l’État

Moussa Mara touche du doigt les tares qui ont dévoyé la démocratie malienne, ces déviations qui ont dénaturé cette jeune démocratie du pays, la vidant de sa substance et dans lesquelles sont trempés les partis politiques. Il y a eu des insuffisances majeures, selon Moussa Mara. Pour lui, la vie démocratique réduite en périodes électorales est un des handicaps majeurs du Mali.

La démocratie ce n’est pas que des élections, argue-t-il. « Une fois le pouvoir acquis, on prépare la prochaine échéance et on essaie de tout faire pour gagner et en même temps tout faire pour éloigner les rivaux du pouvoir. Les partis qui ont été au pouvoir sont les premiers responsables de cette situation. Leur propension à caporaliser les cadres, à faire pression sur les agents, à débaucher les militants et responsables de l’autre camp, avec des actions peu recommandables (menaces, appâts du gain…) ont semé dans l’esprit de nos compatriotes des comportements serviles et inappropriés. Cela a dénaturé la démocratie malienne et l’a un peu vidée de sa substance », clame-t-il.

Les acteurs ont une grande facilité à composer avec le prince du jour, quel qu’il soit et d’où qu’il provienne, révèle-t-il, avant d’indiquer qu’il y a des changements à apporter à la vie politique et démocratique du pays. En ce qui concerne la mission éducative et de formation des partis politiques, le président du parti Yèlèma indique que cette fonction n’a pas été une priorité pour les partis, notamment les plus importants, ceux qui ont exercé le pouvoir. Ils se sont réduits à la conquête du pouvoir et sont devenus uniquement des machines électorales.

Les autres partis ont suivi cet exemple ainsi que les citoyens. Cela a été d’autant plus à la mode qu’au même moment, les responsables publics se sont de plus en plus vautrés dans les détournements, l’enrichissement illicite et d’autres pratiques néfastes. « Ainsi,  dans un cercle vicieux, depuis plusieurs décennies notre pays s’enfonce dans les mauvaises attitudes de responsables qui entraînent les mauvaises attitudes des populations et vice versa. Avec tant de partis politiques qui reçoivent le financement public, s’ils jouaient bien leur rôle, les États seraient à l’abri de la faillite, la de mal gouvernance», ajoute-t-il. Selon Moussa Mara, cette faillite des États est la preuve que les partis ne jouent pas leurs rôles. Il faut impérativement réformer le système de création et de fonctionnement des partis en inscrivant des actions concrètes comme l’éducation à la citoyenneté, la formation, mobilisation… dans la réforme globale de notre système démocratique, dit-il en substance.

« Au Niger, le rôle des partis politiques est détourné. A l’analyse, on s’aperçoit que les partis sont créés non pas dans le but de conquérir et d’exercer le pouvoir d’État mais dans le sens de faire des alliances qui peuvent rapporter à des individus. Ce qui veut dire que les missions assignées ne sont pas respectées. Or un parti politique est un gouvernement en apprentissage qui s’évertue à promouvoir ses valeurs. Être prêt à exercer quand on aura conquis le pouvoir. Mais la mauvaise gouvernance fait en sorte que beaucoup des militants ont un problème de formation : non-connaissance et maîtrise de la charte des partis politiques, de la constitution, du code électoral et du mode de fonctionnement de leur formation politique… », fait remarquer le Président de Transparency international Niger, Maman Wada.

De l’avis du constitutionnaliste Amadou Hassan Boubacar, le phénomène partisan fait qu’il y a une certaine faiblesse de l’État qui n’arrive plus à sanctionner, à nommer des cadres compétents parce que pour eux c’est la récompense des militants qui compte même s’il y a une inadéquation entre le profil et le poste. « L’aide publique n’est pas gérée de façon convenable par les partis politiques. S’il y a eu un coup d’État en 2012, un autre en 2020, c’est parce que les partis politiques n’ont pas joué quelque part leur rôle par rapport à l’aide reçue : former, éduquer, sensibiliser, mobiliser pour renforcer la démocratie et la gouvernance. Ils n’ont pas fait face à leur mandat premier, qui est celui d’instaurer le respect de la démocratie et la bonne gouvernance, le respect de la séparation des pouvoirs et le respect des Institutions de la République », selon Dr Ibrahima Sangho, président de l’Observatoire pour les Élections et la Bonne Gouvernance. « Il y a un divorce entre la classe politique et la population. Dans ce contexte de divorce, lors des élections, les gens disent qu’il vaut mieux prendre 1000 ou 2000 fcfa, pour voter, car lorsqu’ils sont élus députés, ce n’est pas sûr de les revoir avant les prochaines élections prévues dans cinq ans », poursuit Ibrahima Sangho.

Lydia Zanga – Secrétaire exécutive de la CODEL du Burkina Faso

Au Burkina Faso, la secrétaire exécutive de la Convention des organisations de la société civile pour l’Observation Domestique des Élections (CODEL), Lydia Zanga, soutient qu’au-delà des documents que les partis politiques présentent à la Cour des comptes, pour justifier les dépenses du montant obtenu, il faut un suivi rigoureux des activités des partis politiques sur le terrain. Mieux, sa structure propose un encadrement du financement privé des partis politiques. Une analyse du comportement des formations politiques ayant bénéficié de la subvention de l’État, pour le financement de leurs activités laisse croire qu’elles n’accomplissent pas leur mission d’information, d’éducation, de sensibilisation et de proposition de solution de sortie de crise.

Le Niger, comme le Mali et le Burkina sont régulièrement mal classés en termes d’indice du développement humain. Aujourd’hui, ils font face à d’énormes défis sécuritaires et de la lutte contre la mal gouvernance, la corruption, des dangers pour la démocratie. L’impunité dont jouissent certains politiciens, crée la rupture de la légalité et de l’égalité des citoyens devant la loi. Dans cette optique, la responsabilité à part entière des partis politiques est engagée tant au Mali, au Niger qu’au Burkina Faso. Leur passivité devant le problème des citoyens, leur implication dans la gestion hasardeuse du pouvoir obérant les bienfaits de la démocratie font qu’il est absolument temps de solder les comptes des fossoyeurs et de bâtir des États viables.

50% du montant à l’éducation citoyenne

A la Délégation générale aux élections du Mali, on souligne la nécessité du financement public des partis politiques, car, « nous ne pouvons pas construire une démocratie véritablement représentative et fiable sans partis politiques. Aussi est-il important de mettre les partis politiques à l’abri des sources de financement illicites ». Ainsi, la DGE a proposé dans une étude récente, que 50% du montant perçu soit consacré à l’éducation citoyenne.

Mais pour l’instant voilà ce que dit l’Article 29 de la Charte des partis politiques au Mali : « …Le montant annuel des crédits affectés au financement des partis politiques est divisé en quatre fractions :une première fraction égale à 15 % des crédits est destinée à financer les partis ayant participé aux dernières élections générales législatives ou communales ; une deuxième fraction égale à 40 % des crédits est destinée à financer les partis politiques proportionnellement au nombre des députés ; une troisième fraction égale à 35 % des crédits est destinée à financer les partis politiques proportionnellement au nombre des conseillers communaux ; une quatrième fraction égale à 10 % des crédits est destinée à financer les partis politiques proportionnellement au nombre de femmes élues à raison de 5 % pour les députés et 5 % pour les conseillères communales ».

C’est un système similaire à celui du Niger où le financement des partis est encadré par la charte des partis politiques en son article 31 qui répartit ainsi cette subvention : 15 % aux partis ayant participé aux dernières élections présidentielles, législatives et locales ; 40 % proportionnellement au nombre de députés élus, 35 % proportionnellement au nombre de conseillers élus à tous les niveaux et 10 % proportionnellement au nombre de femmes élues en sus du quota à tous les niveaux.

L’Article 30 de la Charte des partis politiques au Mali, indique: « Les obligations des partis politiques éligibles à ces différentes subventions sont les suivantes : justifier la tenue régulière des instances statutaires du parti; disposer d’un siège national exclusivement destiné aux activités du parti distinct d’un domicile ou d’un bureau privé; disposer d’un compte ouvert auprès d’une institution financière installée au Mali ; tenir un inventaire annuel des biens meubles et immeubles et présenter les comptes annuels à la Section des comptes de la Cour suprême…».

La production de faux bilans par tout parti politique entraîne la perte du droit au financement public pour l’année suivante, sans préjudice de poursuites judiciaires. Au Niger, l’Ordonnance N° 2010-84 du 16 décembre 2010 portant Charte des partis politiques, dispose : « tout parti politique doit tenir une comptabilité de type privé et un inventaire de ses biens meubles et immeubles. Il est tenu de présenter des comptes annuels au plus tard le 31 mars de chaque année à la Cour des comptes pour vérification ».

Au Burkina Faso, la loi n°012-2000/AN du 2 mai 2000 prévoit le financement des activités politiques et des campagnes électorales, des partis répondant aux critères définis par ladite loi. L’adoption de la loi n°008-2009/AN fait passer le montant de la subvention à 500 millions de fcfa à partir de 2011, pour les activités hors campagne. Cette fois-ci, avec pour critère l’obtention d’au moins 3 % des suffrages exprimés aux élections législatives.

Quant à la subvention pour les campagnes électorales, une somme allouée par l’État est répartie entre les formations politiques et les regroupements d’indépendants. Selon le directeur général des libertés publiques et des affaires politiques au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Brice Emmanuel Sawadogo, les partis politiques doivent justifier après le premier trimestre de chaque année civile, les dépenses auprès de la Cour des comptes.

En 2020 par exemple, le CDP n’a pas apporté dans les délais les justificatifs et n’a pas eu droit au soutien financier. Le président du parti, Eddie Komboïgo confie aussi : « En 2015, du fait de mon incarcération à la prison civile et de l’expulsion de certains cadres, les nouveaux cadres du parti n’ont malheureusement pas pu déposer un rapport explicatif des fonds reçus pour les législatives. Le CDP a été sanctionné. Or, nous avons besoin de ce financement pour animer la vie politique ».

Enquête réalisée par Paténéma Oumar OUEDRAOGO (Burkina Faso), Boukary DAOU (Mali) et Souleymane BRAH (Niger) avec l’appui de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO)

 

Les commentaires sont fermés