Burkina Faso : l’or, le métal de la discorde
Le Sud-Ouest du Burkina Faso est l’une des régions avec une grande potentialité minière notamment aurifère, avec près de 60 % des sites. Cette richesse du sous-sol attire de nombreux chercheurs d’or venant des autres régions du pays ainsi que des pays de la sous-région. Mais, la recherche du précieux métal est régulièrement source de conflits, entre orpailleurs et populations autochtones, avec leur lot de morts, de destruction de biens et de dégradation du climat social. Outre l’appât du gain, les causes de ces violences sont également d’ordre sociologique et culturel. |
Le 4 août 2017, un affrontement éclate dans le site d’orpaillage de Loto, un village de la commune de Diébougou, dans la région du Sud-Ouest. Le bilan fait état d’un mort et d’une dizaine de blessés. Tout serait parti d’une bagarre entre un orpailleur et un propriétaire terrien. Le second a reproché au premier de ne pas avoir honoré une part de son contrat dans l’exploitation du site. Trois mois plus tard, soit le 30 octobre, un autre conflit opposant des orpailleurs aux populations locales du site de Fofora (situé à 25 kilomètres de Gaoua, dans la commune de Kampti) fait quatre morts dont trois orpailleurs et des blessés. En effet, un artisan minier manipulant son arme touche mortellement une femme et blesse son enfant. Courroucées, les populations riveraines se livrent à des représailles à tort ou à raison contre tout présumé auteur.
Le 2 décembre 2019, le village de Sinkoura dans la commune rurale de Périgban connaîtra un fait similaire qui causera la mort d’un artisan minier. Et pour cause ? Accompagné de chasseurs traditionnels Dozos, un téméraire orpailleur tente de s’accaparer un « juteux » site d’or, en dépit de sa flagrante proximité avec une école primaire. Un affront impardonnable pour la population locale qui n’hésite pas à s’opposer vigoureusement. Des coups de feu seront échangés de part et d’autre des camps antagonistes. Le heurt le plus récent est celui survenu à Djikando dans la commune de Gaoua, chef-lieu de la région, dans la soirée du 31 janvier 2021. Le braquage d’un acheteur d’or, selon plusieurs sources, vire au drame. Le bilan macabre est de neuf morts, avec en toile de fond de nombreux blessés et plusieurs dégâts matériels.
Ces cas d’affrontements entre orpailleurs et populations riveraines des sites d’exploitation artisanale d’or sont l’illustration de la fragile cohabitation entre les deux parties. Dans la plupart des villages abritant des sites d’orpaillage, les populations locales et les exploitants vivent, en apparence, une parfaite symbiose. Malheureusement, la survenue du moindre incident vient raviver les frustrations et autres sentiments de vengeance qui couvaient dans les cœurs et les esprits.
Le premier orpailleur lobi
Selon un acteur anonyme de la promotion des droits humains dans le Sud-Ouest, il est difficile d’appréhender les causes réelles de ces récurrents conflits. Mais, mentionne-t-il, quelques facteurs peuvent être considérés comme étant à l’origine de ces affrontements. Il s’agit de la compétition dans l’exploitation des sites entre allogènes (ils peuvent être d’une autre ethnie ou de la même ethnie, mais pas du même village) et autochtones. Culturellement, l’exploitation artisanale de l’or a été considérée pendant longtemps comme un totem dans certains groupes ethniques du Sud-Ouest. Dans leur publication intitulé « L’or, le sang, la pluie et les génies : Chroniques ethnographiques d’un conflit entre orpailleurs et autochtones lobi du sud-ouest burkinabè », Michèle Cros et Quentin Mégret expliquent que jusqu’au début du XXIe siècle, seules les femmes étaient autorisées, chez les lobi par exemple, à pratiquer une extraction de l’or afin de le vendre. « L’or appartenait et continue d’appartenir aux génies de la brousse qui peuplent ces fameuses collines. L’or ne peut être extrait sans précaution par les humains. Si un homme venait à découvrir une pépite, autrement dit de l’or vivant, une certaine prudence s’imposait », peut-on y lire.
Toutefois, la plupart des exploitants viennent d’ailleurs (étrangers au village). Généralement, lorsque les populations locales constatent que ceux-ci prospèrent financièrement, tandis que leur village ne profite pas suffisamment des retombées, un sentiment de jalousie semble naître. Albert B. Oussé est le représentant des syndicats des orpailleurs miniers dans la région et détenteur d’un permis de recherche sur le site de Djikando. Il est le premier lobi de la région à exercer cette activité. « Au départ, plusieurs personnes de mon ethnie étaient opposées à mon attitude. Des marches ont même été organisées à cet effet. Mais, aujourd’hui, la majorité d’entre eux m’ont emboîté le pas », témoigne-t-il
Face aux nombreuses réalisations dans certaines villes grâce à son activité d’orpaillage, fait remarquer Albert B. Oussé, une « jalousie » est née au sein d’une catégorie de personnes du village. Pour lui, l’événement malheureux de Djikando a longtemps été préparé et le braquage n’a été qu’un prétexte de cette sombre machination. Il est convaincu que l’objectif des commanditaires était de récupérer le site à leur profit puisqu’ils « ont menacé à plusieurs reprises de nous chasser du site ». Les populations locales, accuse-t-il, sont souvent manipulées par leurs filles et fils vivant à Gaoua ou dans les grandes villes du pays.
« En réalité, ce sont eux qui tirent les ficelles. Ils leur font comprendre, de manière belliqueuse, qu’ils doivent ouvrir les yeux sur l’exploitation des sites. Ce qui fait que les propriétaires terriens remettent souvent en cause les accords signés avec les orpailleurs », dénonce le représentant des orpailleurs de la région. Revenant sur les faits de la nuit du 31 décembre 2020 au 1er janvier 2021 dans son village, le délégué du village de Djikando, Bafoudjié Kambou relate que l’affrontement est né suite au décès d’un jeune et à la blessure par balles d’un autre. C’est ce qui a suscité la colère des populations qui reprochaient déjà aux orpailleurs un certain nombre de griefs tels les vols de minerais des fils du village.
Par contre, le secrétaire général de l’Union nationale des associations des artisans miniers du Burkina (UNAAMB), Hamidou Sankara soutient que la crise était prévisible car il y avait des signes. « Les autochtones avaient l’habitude de nous provoquer sur le site. Il arrivait qu’ils violentent des orpailleurs afin de susciter une bagarre mais nous n’avons jamais réagi », renchérit Hamidou Sankara. A écouter le SG de l’UNAAMB, dans la plupart des affrontements entre artisans miniers et populations locales enregistrés dans la région, « il n’y a pas de quoi fouetter un chat ». « Ce sont des gens qui ne veulent pas travailler et suscitent des bagarres pour piller nos minerais. Généralement, les natifs qui sont sur le site provoquent et les autres viennent en renfort. Si tu as un problème avec un des leurs, c’est tout le village qui se mobilise », incrimine M. Sankara. Dabalè Kambou, habitant de Djikando, fait savoir que lors des négociations pour l’ouverture du site, le concessionnaire avait fait un certain nombre de promesses à la population afin d’obtenir leur autorisation.
Des promesses non tenues ?
Il cite, entre autres, la réalisation d’une école, d’un centre de santé et d’un forage, le tout en cinq ans. « L’année dernière, il était à sa neuvième année mais aucune de ces promesses n’a été tenue. En 2020, il a fait arrêter deux jeunes du village parce qu’ils refusaient de lui vendre le minerai alors qu’il réclamait l’exclusivité de l’achat », s’indigne Dabalè Kambou. Yourbounté Da, conseiller municipal du village de Korgo, commune rurale de Gomblora s’inscrit dans la même lancée. Son village a connu une crise liée à l’exploitation aurifère en 2014. De son avis, les concessionnaires des sites sont à l’origine des mésententes entre orpailleurs et populations riveraines. De plus, ils profitent de l’illettrisme des « vieux » pour obtenir leurs « permis d’exploitation ». « Quand ils négocient avec les propriétaires terriens, ils ne veulent pas que leurs enfants qui sont scolarisés soient associés. Pourtant, le terrain du père appartient au fils qui doit aussi être consulté pour le partage. C’est pourquoi, les proches qui ont fait l’école du blanc remettent généralement en cause les accords », explique Yourbounté Da.
Du côté de l’UNAAMB, le SG argue que les miniers respectent toujours leur contrat. Pour preuve, il déclare que les trous sont payés en fonction du prix fixé par les propriétaires terriens entre 50 000 et 150 000 F CFA. Aussi, sur dix sacs de minerai, ces derniers récupèrent deux. « Vous vous entendez sur quelque chose, mais après quand le propriétaire terrien constate que tu gagnes plus que ce qu’il attendait, il veut récupérer. Cela pose problème », dénonce Hamidou Sankara. Do Poudo Hien, maire de la commune de Gomblora confie que ses services sont, quasi-quotidiennement, sollicités pour la résolution des conflits autour de l’exploitation de l’or. Il précise que sa circonscription regorge d’une dizaine de sites.
A son avis, cette situation s’explique par le côté économique de l’activité parce que « là où il y a l’argent, surgissent naturellement des conflits ». Or, dans la tradition lobi, fait-il savoir, la terre est cédée sans contrepartie. Mais avec l’or, la donne a changé, la terre, regrette-t-il, est devenue un business. « Il y a souvent des propriétaires terriens qui n’acceptent pas de céder leurs terres parce qu’après une exploitation par les orpailleurs, il n’est plus possible d’y cultiver. Ce refus crée des tensions entre les deux parties. Il y a également des conflits entre des frères d’une même famille par rapport au profit que l’un ou l’autre tire de l’exploitation », souligne Do Poudo Hien. L’édile ajoute que l’attitude de certains concessionnaires qui ne partagent pas le « gâteau » avec les propriétaires des terres crée parfois des malentendus. Le conseiller municipal de Korgo affirme, pour sa part, qu’il est inexact de parler de jalousie dans la mesure où les populations locales travaillent, elles aussi, sur les sites. Seulement, précise-t-il, les gestionnaires leur refusent les portions riches en minerais, ce qui crée de la frustration.
« Des orpailleurs têtus »
L’un des facteurs qui polluent la cohabitation entre populations riveraines et exploitants artisanaux est, sans conteste, lié aux différences de culture. Car, les orpailleurs viennent d’autres contrées du Burkina Faso avec des usages qui contrastent avec ceux de leurs hôtes. Ils ont ainsi des comportements qui ne rencontrent pas l’assentiment des autochtones. Selon Bafoujié Kambou, il arrive que des lieux leur soient interdits, mais des orpailleurs s’entêtent pour les occuper. Et ils n’hésitent pas, révèle-t-il, à creuser la nuit. Michèle Cros et Quentin Mégret le confirment dans leur publication : « Les orpailleurs ont la réputation d’être des gens particulièrement têtus et obstinés. Ils ont fait la force pour s’installer, selon une expression très couramment employée. Leur intrusion et la prise de nouveaux territoires aurifères dans le Sud-Ouest se sont souvent faites au moyen de percées furtives, en particulier nocturnes, pour tromper la vigilance des populations autochtones ». Quant au représentant des orpailleurs du Sud-Ouest, il jure la main sur le cœur que les exploitants respectent scrupuleusement les coutumes. Au contraire, les autochtones sont souvent, affirme-t-il, les premiers à bafouer les totems pour aller chercher l’or.
Au-delà de ces facteurs relevés, l’anarchie sur les sites d’orpaillage est souvent source de conflit entre acteurs de l’exploitation. En effet, la réglementation en matière d’orpaillage n’est pas, dans la majeure partie, des cas respectée. Il donne, par exemple, l’obligation pour les exploitants de structurer le site d’exploitation en : zone d’extraction du minerais, zone de traitement et de vente, zone d’habitation et d’activités diverses. « Il y a une désorganisation totale sur ces sites. Le défi sécuritaire a fait qu’il n’y a pas assez d’éléments de forces de sécurité pour le suivi de la réglementation sur certains sites. Il y a également une insuffisance de sensibilisation », explique le chef de service de la promotion des droits humains à la direction régionale des droits humains du Sud-Ouest, Ibrahim Traoré. Albert B. Oussé reconnaît que les orpailleurs « adorent » travailler dans le désordre et pour lui, la solution sera l’application stricte des textes en matière d’orpaillage.
En vue d’une collaboration pacifique, Ibrahim Traoré appelle les artisans miniers à s’investir dans un élan de dialogue avec les populations riveraines et à s’organiser. « Les populations notamment les propriétaires terriens, pour leur part, doivent collaborer franchement », propose-t-il. Pour M. Oussé, il est important de sensibiliser et former les artisans miniers afin qu’ils respectent la réglementation. Le maire de Gomblora souligne que la mairie a toujours essayé de trouver un consensus entre propriétaires terriens et orpailleurs lors de la survenue d’un conflit. A son avis, il s’agit de la principale manière de résorber les crises autour des sites d’or, « sinon il n’y a pas de solution miracle ».
« La plupart des gestionnaires de sites ainsi que les propriétaires terriens de ma commune ne disposent pas de permis d’exploitation. C‘est pourquoi, nous les invitons à se procurer des documents qui attestent la propriété ou l’autorisation. Car, cela permet de trancher aisément en cas de litige », estime-t-il. Dans la même logique, le SG de l’UNAAMB est catégorique : « Il est difficile de trouver une solution tant qu’il y aura des gens qui ne veulent pas travailler mais veulent profiter de la mine ». Toutefois, il pense que si les forces de sécurité jouent correctement leur rôle sur les sites d’orpaillage, les dégâts causés par ces crises pourraient être minimisés. Il informe qu’à plusieurs reprises, les menaces des populations riveraines ont été rapportées aux forces de sécurité sans suite.
Nos tentatives pour obtenir des informations auprès de l’ANEEMAS sur les actions entreprises pour prévenir et résoudre les conflits autour des sites d’orpaillage sont restées sans suite.
Encadré 1 : Orpaillage, que dit la loi ?L’orpaillage ou encore l’exploitation artisanale de l’or est régi par le décret n° 2018-1017/PRES/PM/MMC/MINEFID/MCIA/MATD/MSECU/MFPTPS portant organisation des exploitations artisanales et semi-mécanisées de l’or et des autres substances précieuses. Le décret précise que l’Agence nationale d’encadrement des exploitations minières artisanales et semi-mécanisées (ANEEMAS) est chargée des formalités relatives à l’orpaillage notamment en ce qui concerne les autorisations et les permis d’exploitation, les conventions de gestion des sites. En son article 13, le décret précise que « Le titulaire d’une autorisation d’exploitation artisanale ou d’un permis d’exploitation semi-mécanisée est tenu d’organiser son site conformément à la réglementation en vigueur ». L’article suivant identifie les zones interdites sauf autorisation. Il s’agit, entre autres, des espaces occupés par des habitations, les espaces cultuels et culturels, les lieux sacrés et de sépulcres. La structuration des sites est détaillée dans l’article 21 : zone d’extraction du minerais, zone de traitements et de vente, zone d’habitation et d‘activités diverses. Sur les relations avec les communautés riveraines, il est fait mention que l’ANEEMAS veille à l’entente entre les propriétaires terriens et les artisans miniers sur les sites sous son contrôle. Force est de constater que cette réglementation souffre dans sa mise en œuvre. D’une part, les orpailleurs sont réfractaires à certaines obligations. Dans la plupart des sites d’exploitation, l’extraction et les autres activités se mènent dans la même zone que les habitations. Aussi, la majorité des orpailleurs ne possèdent pas de cartes d’artisans comme le prescrit l’article 5 du décret. Pourtant le décret précise que l’accès aux zones d’extraction, de traitement et de vente d’or est conditionné par la détention de la carte en cours de validité. Chose qui ne facilite pas l’identification des occupants et facilite donc l’infiltration de personnes malveillantes. D’autre part, l’ANEEMAS, chargée d’encadrer les artisans, est souvent absente sur le terrain. Certains orpailleurs disent ignorer les textes qui concernent leur activité et cela, par manque de sensibilisation. Il revient à l’agence d’accentuer ses sorties sur les sites afin non seulement de constater le respect des règles mais aussi de sensibiliser les artisans sur les bonnes actions pour un climat paisible sur ces lieux. Joseph Haro |
Encadré 2 (Entretien) : « Il faut des cadres de concertation et de dialogue », dixit Jonas Hien, Directeur des programmes d’ORCADEL’Organisation pour le renforcement des capacités de développement (ORCADE) est une ONG spécialisée dans les industries extractives. Dans cet entretien, son directeur des programmes, Jonas Hien, fait une analyse des conflits entre orpailleurs et populations autochtones. Sidwaya (S) : Beaucoup de conflits sont enregistrés autour des sites d’orpaillage dans le Sud-Ouest avec pour conséquences des morts d’hommes. Quelles sont, selon vous, les causes ? Jonas Hien (J.H.) : On ne peut pas prédéfinir les causes. Même les causes généralement connues sont multiples et multiformes. Elles peuvent provenir de lutte autour de l’appartenance des trous entre les orpailleurs eux-mêmes, ça peut être entre des orpailleurs et des propriétaires de champs de cultures. Sur ce point, les orpailleurs ne demandent pas l’avis des propriétaires de champs avant de les occuper. Entre l’opposition de ces propriétaires de champs à l’occupation de leurs champs ou du déversement des produits chimiques dangereux et les orpailleurs qui tiennent à s’imposer pour prendre leur or, les conflits sont vite arrivés et malheureusement cela peut entraîner des morts. Mais la cause la plus profonde est ce manque d’organisation et d’encadrement de ce sous-secteur si bien que les sites d’orpaillages sont des milieux pratiquement à part où on peut s’attendre à tout. Quelles sont les actions que votre organisation, ORCADE mène pour prévenir ces genres de conflits ? Dans certaines communes, nous avons accompagné des villageois, des associations de la société civile, des élus locaux et des orpailleurs qui sont des autochtones, à se mettre en une sorte de cadres de concertation. Ils ont été formés sur les questions de prévention et de gestion de conflits, donc en gestion non violente des conflits. Ces personnes formées sont des pacificateurs chargés d’apporter leur contribution sur toutes questions de conflits ou en situation de conflits sur les sites d’orpaillage afin d’éviter donc la violence. Avec la question sécuritaire, il faut éviter des conflits sur les sites au risque de nous compliquer nous-mêmes la tâche. Les détenteurs de permis d’exploitation sont souvent obligés de négocier avec les propriétaires terriens pour mener leurs activités. En quoi cette démarche est nécessaire pour la bonne cohabitation entre populations locales et exploitants ? Dans ce secteur-là, il y a ce qu’on appelle le ‘’permis social d’opérer’’. Cela veut dire que le fait d’avoir obtenu le permis délivré par l’État ne suffit pas pour chercher à s’imposer aux populations. En général, les détenteurs des permis vont à Ouagadougou, parlent avec ceux qu’ils appellent le ‘’haut lieu’’. Après, ils se présentent sur le site et commencent à dire aux populations qu’ils ont un papier avec les grands patrons à Ouagadougou, donc, ils sont en territoire conquis. Ça ne marche pas comme ça. Il faut d’abord créer les conditions de bonnes cohabitations avec les communautés afin qu’elles comprennent et adhèrent à votre projet minier. Le déploiement des forces de sécurité pour violenter les populations n’a jamais été une solution, sinon vous finirez par vendre votre projet à un autre groupe. Il faut des cadres de concertation et de dialogue autour des préoccupations mutuelles, impliquant tous les acteurs avec en tête les autorités locales, et qui fonctionnent. Vous ne pouvez pas récupérer les terres de cultures des paysans qui sont leur raison de vie et les générations futures contre des miettes d’argent, la poussière, la pollution, les déplacer de leurs villages, détruire leurs fétiches, déplacer les tombes de leurs ancêtres, leur imposer la vie chère et leur demander d’accepter facilement l’implantation de tels projets. Nous encourageons plutôt la mise en place des cadres de concertations et de dialogue pour résoudre toutes incompréhensions. Quelle peut être la solution aux crises autour des sites d’orpaillage ? Il faut rendre l’ANEEMAS et l’Office national de Sécurisation des Sites miniers (ONASSIM) véritablement fonctionnels. Je ne pense pas qu’il y a un autre médicament. Il faut organiser et encadrer l’orpaillage. Le processus est en cours et il faut aller de l’avant pour parachever ce processus. Nous avons la chance que les orpailleurs à travers leurs faîtières comme le Syndicat national des orpailleurs et l’Union nationale des Associations des orpailleurs sont disposés à aller ensemble dans cette organisation et encadrement. Il faut bien les impliquer dans le processus ainsi que les organisations de la société civile comme ORCADE pour ensemble relever ce défi. Si tout est bien organisé, on aura une certaine maîtrise sur les solutions à apporter aux crises récurrentes sur les sites miniers. Et nous avons intérêt à y arriver avec le contexte d’aujourd’hui car l’orpaillage constitue de nouvelles préoccupations sécuritaires pour le pays. La faible présence de l’État sur les sites d’orpaillage expose donc les ressources minières à la prédation de groupes armés terroristes. Les sites miniers artisanaux peuvent devenir pour eux une source de financement, mais aussi un lieu de recrutement de jeunes comme combattants, donc chargés d’opérer les attaques. |
Enquête réalisée par Joseph Haro avec l’appui de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO)